Lorsque Constantine sort, je ne connais pas encore Hellblazer et le film me plaît indubitablement, d'autant que son personnage m'est rendu fort sympathique par une façon très coriace de pratiquer le cynisme : plutôt enthousiasmant, parce que rare dans la production américaine (si l'on escompte malheureusement le final, où le héros trouve forcément une rédemption salutaire). Donc, c'était avant de connaître réellement Hellblazer.
Après coup, lecture est faite du maximum traduit d'Hellblazer et les présentations sont un peu mieux faites : John Constantine n'est pas un type commun, ce n'est pas qu'un petit menteur avec beaucoup de bagout et un charisme gros comme ça, c'est aussi un sorcier, du genre qui a gardé le contact avec la base, avec l'humanité puante qui émaille l'univers d'Hellblazer, où tout est noir, tout suffoque.
De fait, le film perd alors là où il gagnait. Prenons par exemple le script : une adaptation, c'est évident, mais une trahison, comme les origines même du personnage central, déménagé de Londres à LA pour en faire un américain. Passons ce désir, somme toute futile, de vouloir absolument récupérer le personnage principal, tant que l'idée directrice est respectée, je ne suis pas fanboy au point de cracher à tout va : on peut tout de même garder la substantifique moelle pour la transposer. Alors donc, notre très américain et brun (c'est important) Keanu Reeves campe un Constantine devenu, par la force du scénario, un medium maudit pour avoir tenté de se suicider par le passé. Et pour la peine, brun, donc, à l'encontre du modèle original, mais pas trop mal joué, ce qui change du jeu monolithique propre à Reeves. Dans ses pattes se retrouve Rachel Weisz, d'une inutilité assez confondante, bien qu'elle soit une actrice que j'affectionne pour la sensibilité et l'émotion qu'elle peut susciter et Shia Laboeuf, dispensable dans son rôle de Chaz un peu trop jeune et surtout, désireux d'une implication un peu plus prononcé dans les affaires de Johnny-boy. Le tout dans une histoire retors de fils du diable qui tente de prendre le pouvoir.
Au final, si on pardonne les écarts – un peu irritant – du matériel original, le spectacle tient la route : l'identité visuelle est particulièrement agréable à voir – les enfers sont plutôt chouettes – et le final du film est très « constantinien » dans l'âme. Et même, le film se paye le luxe d'une scène très appréciable où, Constantine, face à ses propres démons, se fume une cigarette sur son balcon, dans le jour naissant sur une LA grisâtre. Visuellement, on en a pour son argent.
Cela demande quand même d'être conciliant : en matière d'édulcoration, on est quand même dans les grands chantiers. Constantine retourne sa veste pour arrêter sa vie de débauche, l'univers est allégé de sa gangrène ambiante, bref, on sent aussi l'impact d'une adaptation qui se doit de fonctionner auprès du grand public... après, si cela permet au grand public d'approcher un des personnages – à mon sens – les plus intéressants du comics, je dis oui !