Conte d'hiver est un miracle, au sens littéraire du terme. Nul ange, nulle vierge n'intervient à la fin ? Presque.

C'est un miracle de Noël.

La thématique religieuse est omniprésente dans ce film dont le personnage principal peut à bien des égards être comparé à une sainte. Les motifs de ses actions ne sont-ils pas inspirés par la foi? La quête amoureuse n'est qu'un prétexte, à mon avis, pour aborder la question si ancienne de la quête religieuse, idéale, ou esthétique. C'est d'ailleurs pourquoi Félicie (au nom très évocateur : celle à qui la chance sourit, et aussi, pourrait-on dire, la bienheureuse) n'aime que les beaux gosses parfaits ...

Personnage mû par un désir de dépassement de soi, Félicie est aussi comme en décalage par rapport à elle-même. Elle parle sur un ton qui ne nous convainc pas. L'air perdu, ailleurs. Le prix à payer pour donner toute sa confiance à l'idéal, c'est l'expérience d'un écart constant par rapport au monde terrestre, prosaïque.

Est-elle un personnage caricatural de femme-enfant? Ce serait nier totalement le pouvoir qu'elle a sur les hommes. Ce serait nier qu'elle incarne, à l'inverse des deux (et peut-être trois ?) hommes de sa vie, la force spirituelle. Elle est, par ses doutes, humaine (les saints et le Christ aussi l'étaient); mais par sa détermination finale, sa façon de placer le spirituel au-delà des arrangements du monde, elle est surhumaine. Une sainte, disais-je ... Les hommes, eux, n'incarnent que le compromis, et ils sont bien humains.

Si le film est un miracle au sens littéraire, c'est aussi, à mon sens, parce qu'il est très théâtral. Le titre rappelle d'ailleurs l'une des pièces de Shakespeare. La question de l'intervention du merveilleux dans la vie s'y pose également constamment. Il y a aussi un drôle d'effet produit par le jeu des acteurs : ils ne parlent pas comme on parle ordinairement. Et puis, la façon dont sont déclenchées les péripéties, et le dénouement final, ne peuvent que nous rappeler de nombreuses pièces de théâtre (tragi-comédies, et même farces ... C'est ballot de faire un lapsus, quand même ...).

Je ne reviens pas sur le travail du clair-obscur, du cadrage ... C'est une façon de filmer à la fois méticuleuse et très "naturelle" d'apparence, parce qu'elle respire et laisse entrer la lumière.

Un défaut? Rohmer se sent obligé de mettre dans la bouche de l'intello de service une référence à Pascal. J'aurais préféré qu'on me laisse le soin de le chercher par moi-même. Je n'aime pas qu'on me prenne par la main et qu'on me dise : "c'est cela qu'il faut comprendre". Comme s'il n'y avait pas assez de références religieuses comme ça! Mais le cinéaste insiste, et ce qui pointait discrètement le bout de son nez se retrouve souligné au stabilo.

Conte d'hiver n'en demeure pas moins un très beau conte de Noël. Faire un film, et même aimer un film, c'est aussi faire un pari.
Cathyfou
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le 21 avr. 2014

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Cathyfou

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