-Ce qui me plait dans le cinéma de Hong Sang-Soo (et dans le cinéma tout court plus généralement), c'est le côté ludique : Sentir que le cinéaste s'amuse, cherche à s'amuser lui-même, à s'occuper, à profiter du temps du film pour créer deux trois petits trucs inventifs ou peut-être plus (D'où le fait que j'ai horreur des films anarchistes qui ne nécessitent aucun travail, aucun temps). J'ai besoin de sentir que toutes les scènes sont différemment remplies d'une vitalité obscure mais pressante. Ici Hong Sang-Soo s'amuse, il prend une actrice, il lui fait rejouer dans le même endroit une situation complètement différente, avec un type qui s'exclame "ah ben tiens c'est le même endroit que l'autre situation complètement différente", il donne une écharpe à un enfant malade puis la lui retire devant le regard indigné des parents face à cette infâme goujaterie, une même chanson est jouée deux fois dans des situations différentes, des gens gênés dont les désirs se télescopent contre les désirs des autres qui se croient supérieurs alors qu'eux-mêmes se croient supérieurs (mais qui est supérieur ? Qui a raison ? L'actrice dit à la fin au personnage : Je crois que tu n'as rien compris au film, mais a-t-elle elle-même compris quelque chose au film?), ect... Plein de situations absurdes, qui se mêlent, se frottent, et où absolument nul personnage n'a le pouvoir sur quoique ce soit, permettant ainsi la production de nouvelles images qui en découlent de par l'incomplétude et le sentiment d'insatisfaction qui nécessairement logent dans les précédentes (car du moment que le monde est faux, il est aussi nécessairement drôle, infailliblement sujet à mésententes, à quiproquos, entre gens qui pensent que le monde est vrai, et qui à partir de là ont des désirs vrais et du même coup donc faux). Quiproquos générateurs donc, et qui permettent de creuser dans ce matériau infini, cet épais tissu du faux, dans lequel Hong Song-Soo dissèque (et prend le temps) de disséquer tout à loisir comme un boucher qui prépare la barbaque avec un grand sourire. Là est le travail du cinéaste : Mélanger les aliments (les situations, les émotions, ect) pour arriver à un haut degré de raffinement qui fait que sa cuisine arrive en fin de compte à être bonne, délicieuse. Je pense qu'il est certain que plus on mélange les choses avec patience, plus on se rapproche d'une certaine forme de vérité, qui est en tous cas puissante, dotée d'une aura magique et comme qui dirait hypnotique, car elle prend le dessus sur le temps, en le remplissant, en l'envahissant par reptation, en le suspendant. Abrakadbra, pouf, magie. J'ajoute que cette critique est fausse. A moins qu'en cela elle ne soit vraie, puisqu'on peut rétorquer à l'actrice que, d'abord, il n'y'a rien à comprendre, dans un film; car du moment où un film trouve un sens, tout de suite par là-même il n'a plus de sens. Eternel paradoxe de l'art, il est quand il n'est pas; ah l'bataaar...