Sur le fond, Conte nuptial tente bien quelque chose. C'est écrit noir sur blanc en ouverture du film. Deux collègues décident de se déguiser en l'autre pour coucher avec la femme de l'autre sans les prévenir, et ainsi relancer leur propre couple. Partant de ce récit misogyne de Roald Dahl, La grande entourloupe, récompensé du prix de l'humour à sa sortie, cette fausse adaptation semble vouloir renverser l'histoire pour en faire un récit féministe : ici, les épouses s'en rendent compte et décident de contre-attaquer. Cette audace initiale de la réalisatrice Claire Bonnefoy, qui signe là son premier film, aurait pu être intéressante et aborder les questions du viol conjugal, du consentement, du couple, du désir et des genres, de façon habile et intelligente.
Mais on finit par ne plus comprendre ce qu'elle veut nous dire ! Le film, marivaudage assumé, revendique une légèreté théâtrale quasi bouffonne en même temps qu'un aspect documentaire primaire (les quatre personnages ont ces deux faces), ce qui a pour effet l'inconfort, et surtout cette incompréhension, jusqu'à la fin tellement étrange qu'on se demande si, au bout du compte, toute cette perversité, tout ce stratagème ignoble, ne mène à aucune vraie remise en question des uns et des autres, et ne change rien. Est-ce que la réalisatrice vient de nous dire que, finalement, le viol conjugal, c'est pas si grave (elle aurait lu le dernier torchon de Caroline Fourest plutôt que le dernier essai de Mona Chollet) ? Ou bien nous dit-elle que les hommes et les femmes sont trop bêtes pour se rendre compte de la gravité de leurs actes ? Su-per ! Rien ne nous éclaire, et cette trop grande ambiguïté crée un malaise gênant. Dommage, le geste de départ était habile et méritait d'être salué, et je ne doute pas que Claire était de Bonnefoy...
Autre piste possible : c'est moi qui n'ai rien compris (en même temps, je n'ai lu ni Fourest, ni Chollet...).