Mine de rien, en à peine quatre ans, Ryūsuke Hamaguchi est devenu le cinéaste japonais le plus intéressant du moment, aux côtés d'un Hirokazu Kore-Eda qui n'a plus rien à prouver. Personnellement, j'ai fait l'erreur de bouder Senses en 2018, découragé par son étrange charcutage en trois longs métrages, mais je me suis rattrapé avec le très bon Asako I & II avant de tomber complètement sous le charme de Drive My Car, primé à Cannes et Oscar du meilleur film étranger en 2022. J'étais donc chaud comme la braise à l'idée de découvrir ces Contes du hasard et autres fantaisie.
Coupons court au suspense, ces Contes du hasard n'ont absolument pas l'ampleur ou l'ambition de l'extraordinaire Drive My Car, puisqu'il s'agit en fait d'un assemblage de trois courts métrages indépendants. Pourtant, les curieux auraient tort de bouder leur plaisir car, aussi modeste soit-il, ce nouveau film confirme la talent presque miraculeux de Ryūsuke Hamaguchi pour mettre en scène des discussions d'un naturalisme bluffant (le gus est fan d'Éric Rohmer). C'est beau, c'est touchant, c'est troublant. La longueur de certains plans-séquences, couplée à la densité des dialogues, impressionne.
Côté scénario, chaque segment met en scène un trio de personnages et déroule une intrigue qui réserve de belles surprises (le petit twist narratif à la Hong Sang-soo <3). L'occasion de raconter avec talent la société japonaise au travers de thématiques universelles – vie de couple, ambition professionnelle, nostalgie du lycée... –, dans toute sa diversité. En effet, si la première partie met en scène trois beautés assez archétypales, les deux autres montrent des physiques plus inhabituels (le prof de fac au faciès atypique, la quadra androgyne), et les profils psychologiques sortent vraiment des sentiers battus. Par exemple, cela fait plaisir de voir des personnages comme cette mère-étudiante à la libido surdéveloppée ou cette lesbienne assumée au franc parler rafraîchissant.
Très bien écrit et interprété, ce "petit" film se suit donc avec beaucoup de plaisir, en attendant la prochaine "grande" oeuvre de son auteur.