Notre deuxième première fois
J'avais découvert ce film au cinéma à sa sortie, j'avais bien aimé. Curieusement, j'avais oublié tout le concept formel et n'en avais retenu que la présence de la nana à Tim Burton. J'avais même oublié que c'était Aaron Eckhart qui jouait l'amoureux.
Le scénario est assez simple : deux anciens amants se retrouvent par hasard à une soirée et revivent leur première fois. C'est un peu triste, mais c'est beau et touchant. Tout tourne autour du dialogue. Cela m'a fait penser aux premiers films de Neil Labute, où ça parle d'amour, de sexe, d'espérances, de désillusions. La narration est des plus épurée, pourtant les conflits sont là, les résolutions aussi. Les personnages sont plutôt chouette, même si on ne sent pas une caractérisation très poussée. Je trouve que ce film colle bien avec deux de mes projets BD dans le genre intimiste, c'est peut-être pour cela que j'ai tant aimé. Il est d'ailleurs possible qu'il m'ait influencé inconsciemment.
Le concept formel est assez bien pensé. Personnellement, je pense que ce que l'auteur propose se rapproche le plus d'un roman. En effet, une des grosses différences entre un roman et un film, c'est que, dans un film, point de vue proposé n'est que rarement introspecté, qu'il manque toute un lot d'informations parce qu'une idée demande plus de temps et de moyen pour être exprimée qu'au travers de quelques mots. Et là, en superposant le présent avec soit le passé, soit le fantasme, soit le présent d'un autre point de vue, cela permet vraiment de jouer sur ce qu'il se passe dans la tête du personnage et ce sans voix off maladroite, lourde et trop explicite. C'est bien trouvé. C'est aussi le moyen d'opposer deux être, d'adopter un double point de vue en un seul film, concept qui sied parfaitement au sujet. Il y a aussi le simple jeu esthétique, puisque la mise côte à côte de deux plans peut parfois offrir une composition globale surprenante. À cela s'ajoute la question du rythme, puisque l'oeil trouvera toujours quelque chose à observer. Enfin, la possibilité à chaque spectateur de se faire son propre film puisqu'il est impossible de suivre les deux écrans en même temps tout le temps ; ainsi, le spectateur choisira ce qu'il veut regarder (la réaction d'un personnage pendant que l'un parle, ou bien la manière dont un personnage s'exprime sur son passé à la place des images mêmes du passé... des tas de possibilité s'ouvrent au spectateur). C'est donc un film bien généreux et riche qui nous est offert. Et je ne dis pas cela seulement parce que la nana de Tim Burton montre quelques tétons ainsi que son bide (qui comporte quelques marques du temps). Et puis pour les acteurs, on sent bien que c'est un véritable régal, les deux étant mis au même niveau, jubilant que chacun de leur geste pourra être observé. Aaron est peut-être légèrement dans le surjeu, surtout face à la modeste Helena, mais cela renforce le côté américain, un peu comme Ethan Hawke face à Julie Delpy (d'ailleurs l'acteur censé représenter le jeune Aaron ressemble à Ethan !).
Bref, un film romantique franchement sympathique pour sa narration épurée basée sur de longs dialogues ainsi que pour sa mise en scène inventive.