Quelle belle démonstration, à la fois de mise en scène, mais également d'écriture. En quelques mots, en quelques montages sonores, Coppola déroule l'intrigue de son film et nous embarque dans un thriller silencieux aussi simple qu'efficace. Si le coeur de l'histoire est somme toute très banal, la minutie avec laquelle le cinéaste la raconte est, elle, assez remarquable. En prenant son temps, il construit un personnage que l'on va prendre immédiatement en sympathie, pour ne plus jamais le quitter. Son point de vue étant le seul qui nous sera proposé pendant toute la séance, on s’immisce peu à peu dans son esprit, pour finir à ne faire qu'un avec lui. Et lorsque le dénouement s'invite à l'écran, on se fait cueillir comme un bleu, satisfait pour le coup de n'avoir rien vu venir, et surtout de ne comprendre qu'en partie ce qui s'est réellement passé.

Si ce sentiment est en grande partie du à l'excellence de la prestation de Gene Hackman, complètement habité par ce personnage solitaire qu'il incarne, elle est aussi bel et bien le fait de la mise en scène minimaliste mais jamais fainéante de Coppola. Ce dernier s'investit totalement dans les morceaux importants de son histoire. De cette première séquence en plein parc où la caméra fait preuve d'une belle agilité, à cette scène de paranoïa où notre virtuose de l'écoute perdra pied, jusqu'à ce final bien noir qui déconstruit totalement le personnage, rien n'est laissé au hasard. Et la vraie beauté du geste, c'est qu'on ne se sent jamais pris au dépourvu. En dépit du fait qu'on ne voit rien venir, on accepte le pseudo twist final sans broncher parce que rien n'était fait pour nous trimbaler sur de fausses pistes. Non, dès le début du film, tout est dit, mais le point de vue que l'on a à ce moment là est juste faussé, et changera sans cesse jusqu'à ce que Coppola veuille bien nous enlever ce brouillard qui nous altère l'esprit.

C'est admiratif que l'on finit la séance, et satisfait d'avoir passé un aussi bon moment. Conversation secrète est à n'en pas douter une référence solide en terme de thriller paranoïaque, et une jolie preuve qu'une narration efficace, un savoir-faire évident dans la mise en scène, une bande son soignée et un acteur principal de confiance, permettent d'éviter d'avoir recours à des artifices bancals qui n'auraient d'autre but que de nous perdre volontairement dans un script maladroitement alambiqué. Coppola prouve ici, si besoin était, qu'il est tout à fait possible de livrer une histoire surprenante sans pour autant la compliquer inutilement. Certains devraient revoir leurs classiques, ça nous éviterait quelques déconvenues bien trop récurrentes en salle.
oso
9
Écrit par

Créée

le 16 févr. 2014

Critique lue 371 fois

10 j'aime

oso

Écrit par

Critique lue 371 fois

10

D'autres avis sur Conversation secrète

Conversation secrète
Alexis_Bourdesien
9

L'écouteur écouté (?)

Il est amusant de constater la différence qu’il peut exister entre deux œuvres qui se suivent d’un même réalisateur. Ici Francis Ford Coppola semble passer du coq à l’âne, en réalisant Conversation...

le 29 oct. 2014

84 j'aime

3

Conversation secrète
DjeeVanCleef
10

The Wire

Dans l'étrange ballet qu'est la scène d'ouverture de «The Conversation», Francis Coppola présente Harry Caul dans son quotidien, noyé dans la masse, anonyme sur cette place de San Francisco qui...

le 1 sept. 2015

66 j'aime

7

Conversation secrète
Val_Cancun
6

A lil' less conversation, a lil' more action

La Palme d'or cannoise de 1974 s'avère une légère déception à mes yeux, en raison notamment de son rythme neurasthénique. Pourtant, ce thriller psychologique aux accents de drame intimiste ne manque...

le 18 mai 2015

34 j'aime

10

Du même critique

La Mule
oso
5

Le prix du temps

J’avais pourtant envie de la caresser dans le sens du poil cette mule prometteuse, dernier destrier en date du blondinet virtuose de la gâchette qui a su, au fil de sa carrière, prouver qu’il était...

Par

le 26 janv. 2019

83 j'aime

4

Under the Skin
oso
5

RENDEZ-MOI NATASHA !

Tour à tour hypnotique et laborieux, Under the skin est un film qui exige de son spectateur un abandon total, un laisser-aller à l’expérience qui implique de ne pas perdre son temps à chercher...

Par

le 7 déc. 2014

74 j'aime

17

Dersou Ouzala
oso
9

Un coeur de tigre pour une âme vagabonde

Exploiter l’adversité que réserve dame nature aux intrépides aventuriers pensant amadouer le sol de contrées qui leur sont inhospitalières, pour construire l’attachement réciproque qui se construit...

Par

le 14 déc. 2014

58 j'aime

8