Jean Dréville est un cinéaste qui est un peu sorti des radars aujourd'hui. Pendant sa longue carrière, il a un peu touché à tous les genres, a notamment contribué à révéler Bourvil au cinéma en 1945. Sa filmographie va d'un "les affaires sont les affaires" à des films historiques comme "Normandie Niemen" ou "la reine Margot" en passant par "la cage aux rossignols". Ce sont en général des films qu'on ne qualifiera pas de géniaux mais toujours intéressants voire même bons.
En 1947, il tourne "Copie Conforme" dans lequel il met en scène un Louis Jouvet qui endosse deux rôles à l'opposé l'un de l'autre. D'un côté, on a un Manuel Ismora, cynique escroc en tous genres qui mène grande vie et n'hésite pas à se déguiser en duc hautain ou en gouailleur déménageur. De l'autre, on a un Gabriel Dupon, très modeste représentant de commerce en boutons. Jusqu'au jour où Ismora a l'ingénieuse idée d'utiliser Dupon comme alibi. Mais tout ne tournera pas forcément comme prévu. Surtout lorsqu'une fûtée et charmante Coraline entre dans la danse…
La collaboration entre Jean Dréville, le dialoguiste Henri Jeanson et Louis Jouvet fait merveille pour concocter une comédie policière impertinente et très réussie.
D'autant que si la police s'y perd entre les deux rôles et a toujours un train de retard, Jean Dréville et son acolyte Jouvet se débrouillent parfaitement pour que le spectateur, lui, ne perde jamais de vue "qui est qui" grâce à de petits détails comme le chien qui préfère un des Jouvet et pas l'autre, les raclements de gorge, etc …
Là où ça se complique c'est lorsqu'apparait Coraline, la maîtresse de Jouvet, dans son rôle d'escroc, jouée par une sublime et délurée Suzy Delair qui s'y trompe et croit découvrir une nouvelle facette plus romantique et plus gentille de son amant. On imagine tout de suite les quiproquos et ce qui va pouvoir se passer..
Techniquement, on voit les deux Jouvet apparaitre à l'écran en même temps et de face ou se parlant de profil. Vu l'époque, je suppose que c'est le résultat d'un minutieux travail de collage de deux scènes rigoureusement symétriques avec le même acteur dans ses deux rôles. Le résultat final m'a paru tellement convaincant que je n'ai certainement pas éprouvé le besoin de décortiquer les détails et ai préféré jouir des jeux en opposition de l'acteur.
A noter la présence d'un Jean Carmet, tout jeune en séide de Jouvet, l'escroc, bien entendu…
Au final, on obtient une comédie jubilatoire, bien enlevée dont on sent que tout le monde s'est bien amusé sur le plateau pour le grand plaisir du spectateur que je suis.