Qu'est-ce qu'un bon film ?
Vaste question....
Pour ma part, je suis un peu matheux-psychorigide-qui-classe-tout-dans-des-boîtes.
Et donc, j'aime faire une liste. Un bon film, c'est ça, et ça, etc...
De ce point de vue, Copland est parfait. Alors, faisons-là cette liste !
Un bon film c'est :
une intrigue qui tient la route. Ici, c'est le cas. Superboy devrait être exfiltré discrètement, mais bien sûr, l'impondérable s'en mêle et les rebondissements sont inattendus et réalistes. Je coche la case "intrigue".
Des situations humaines qui nous renvoient à notre propre vie. Là encore, je coche la case ! Le héros qui sauve la belle mais se la fait souffler par un petit con, c'est très humain ! Le même con et la même belle au bord du divorce 15 ans plus tard, là aussi, ça parle.
Le personnage de Figgis (Ray Liotta) est également très habile. Tour à tour loyal ou arnaqueur, il fait partie de ces grands anti-héros éminemment humains. Ni enculés ni saints, vrais quoi ! Je pense à l'homme d'affaires joué par Rod Steiger dans Docteur Jivago, par exemple. A l'amant de Jane Fonda dans La Poursuite impitoyable. Et tiens ! Rod Steiger encore, et le Sud encore : le shérif raciste mais par habitude ancestrale, pas par conviction, obligé d'assister le Sydney Poitier de "Dans la chaleur de la nuit".
Harvey Keitel est pas mal non plus : il se prend pour le vrai chef, le Duce local de la Mafia, mais en fait, il est aussi abruti et paumé que ceux qu'il pense dominer. Il sous-estime Stallone, il croit naïvement pouvoir sauver Superboy, il ne voit pas que sa femme le trompe avec un jeune flic, qu'il laisse pourtant mourir, mais pour de tout autres raisons ! Comme dirait Renaud : il est à la limite du hors-jeu !
Les acteurs sont-ils bons ? Ca compte, dans un film, n'est-ce pas ? Faut-il vraiment s'étendre ? Copland est presque un modèle pour ça. Casting magistral, acteurs "à leur haut niveau habituel", comme De Niro et Keitel, ou carrément habités comme Ray Liotta, génial. Et Stallone, bien sûr. LA réussite du film. Ceux qui n'ont jamais vu FIST ou n'ont regardé qu'à moitié le premier Rocky et le premier Rambo pensaient à tort que Stallone est un abruti, mais même ceux qui "savaient" ont été bluffés par sa performance.
Arrivé là, on se dit que c'est bon, Copland est un bon film. Et pourtant, il manque encore un élément : une ambiance. C'est très personnel, mais pour moi, l'ambiance est essentielle.
Ben oui. Visualisez.... Un James Bond tourné entre Maubeuges et Rostock ?
Et que serait "Love actually" sans Londres ? Imagine-t-on les 4 copains du "Cœur des hommes" trempant leurs pieds dans une piscine en kit d'un lotissement lorrain ?
Dean Martin pourrait-il trouver la rédemption ailleurs que dans une petite ville de l'Ouest Sans Loi ?
Et qu'est-ce qui fait l'ambiance d'un film ? Les extérieurs, les décors des scènes intimistes et surtout, la musique.
Là encore, totale réussite pour Copland. L'omniprésence du pont qui mène à New York et de l'Hudson River qu'il franchit rappelle sans cesse la loose profonde que ressentent les commuters (les banlieusards adeptes des déplacements professionnels pendulaires) du New Jersey. La Grosse Pomme est là, tout près, on pourrait la toucher. Mais elle reste inaccessible. Et, à l'instar du gigantesque pont, elle écrase autant qu'elle éblouit par ses lumières, elles aussi omniprésentes dans le film.
Mais c'est dans l'utilisation de la musique de Bruce Springsteen que Copland touche au sublime. Ce n'est pas la première fois que des chansons du Boss sont exploitées à l'écran. Sean Penn a même tiré tout un film (Indian Runner) d'un titre osbcur (mais génial !... je suis un peu fan du monsieur, j'avoue !) de ce musicien.
Mais ici, on sent que Mangold aime et comprend l'univers de Bruce.
Springsteen, c'est la voix des laissés pour compte, des gens ordinaires du New Jersey, écrasés par un destin qui les dépasse. I
Bruce gémit sur la platine tandis que Stallone se penche sans rage mais aussi sans illusion sur l'échec de sa vie. Mangold a choisi les 2 chansons les plus mélancoliques, à peine susurrées, d'un vieux vinyle (The River... tiens, la rivière, on y revient) soulignant par là l'obsolescence "extérieure" de Stallone mais surtout son intégrité intérieure, éternelle celle-ci. C'est une vieille chanson que personne ne connaît et c'est un vieux shérif décati, mais les deux sont porteurs d'un honnêteté qui, elle, n'a pas pris une ride.
Bon, toutes les cases sont au vert, 9/10 !
Ben pourquoi pas 10 alors ? En fait je me tâte... disons qu'il y a une légère faiblesse. Quand Superboy se relève trop tôt de la banquette arrière et permet ainsi à Stallone de découvrir le pot-aux-roses, je trouve ça invraisemblable. Mais bon, j'ergote !