Henry Selick est à la tête d'assez peu de films. Entre un L'Étrange Noël de M. Jack magnifié par le soutien de Burton, un James et la Pêche Géante assez original et un Monkeybone très peu connu, il a déjà fait preuve de la qualité de son animation. Coraline est pour moi son film le plus abouti.
En effet, dans le cas de Coraline, la qualité du stop-motion est sans égale. Tout est d'une fluidité déconcertante, si bien qu'on a vite fait d'oublier qu'on regardait de l'image par image. L'animation regorge de détails minutieux, comme les cheveux de Coraline, tous indépendants, et même ce qui est ajouté en post-prod, comme le brouillard, s'incruste très naturellement dans ce monde étrange.
Car oui, lorsque Coraline pénètre par la petite porte, telle Alice, c'est dans un univers bien étrange et fantasmé qu'elle se retrouve. Cet Autre Monde est semblable à la vraie vie, mais bien plus beau en apparence, plus coloré, plus agréable et amélioré. Mais ceux qui diront que c'est trop beau pour être vrai auraient bien raison.
La curiosité est un vilain défaut, et c'est elle, ainsi que son rêve d'idéal, qui pousse Coraline à retourner dans l'Autre Monde. Il y a d'ailleurs, dans cette apparence exaltée, quelque chose de l'ordre de la tentation, qui évoque quelque chose de diabolique.
Dès lors, Coraline doit déjouer les manigances de l'Autre Mère, en se montrant courageuse, intelligente, mais surtout maline. Contrairement à un autre grand film en stop-motion sorti avec quelques mois d'intervalles, Mary et Max., Coraline est plus dans la sensation forte que dans l'émotion. La dernière partie est particulièrement haletante, voire anxiogène, même pour un adulte.
Mais Coraline n'est pas seulement un film palpitant ; il fait également preuve d'une certaine profondeur dans les thématiques qu'il aborde : en proposant à l'enfant de faire un choix entre la réalité et l'idéal, Coraline pourrait bien représenter le passage à l'âge adulte. L'importance de la place de la femme est également notoire dans ce film : tous les rôles les plus importants sont féminins (à part éventuellement Wybie, qui n'est pas présent dans le livre original). De plus, le film propose diverses facettes de la femme : la protectrice (les deux grand-mères, qui avertissent et aident Coraline), la manipulatrice (l'Autre Mère), et l'émancipée (Coraline).
Coraline nous invite à une évasion singulière dans un monde hallucinatoire et illusoire, un traquenard magnifique qui nous renvoie à notre vulnérabilité enfantine. L'introduction - dont l'accompagnement musical mystérieux de Bruno Coulais n'est pas sans évoquer l'univers fantastique de Danny Elfman - offre un bon aperçu de ce monde à la fois rêveur et malsain, avec ses dissections, empaillages et opérations diverses.