Coraline
7.2
Coraline

Long-métrage d'animation de Henry Selick (2009)

Le géant de fer m’a donné envie de voir d’autres long-métrage d’animation. Je me suis rendu compte qu’ils ont davantage tendance à m’émouvoir que les films en live-action, je ne sais pas pourquoi.
J’avais besoin d’un film qui me ferait du bien, étant un peu lassé par les films ces temps-ci je n’avais pas envie de prendre les risques de, de nouveau, tomber sur quelque chose qui allait me décevoir, et donc Coraline me semblait être un bon choix : c’est de Henry Selick, un réalisateur que je trouve trop peu actif et trop peu apprécié, et dont j’ai adoré L’étrange Noël de Mr Jack et Monkeybone, ce dernier étant pourtant mal-aimé.
Et là, ma première réaction à Coraline ça a été "raaaah, l’animation est sublime". J’ai cru qu’Henry Selick était passé aux images de synthèse tant c’est fluide… mais non, c’est encore de la bonne vieille animation en stop-motion, c’est dingue. Et puis ce talent est au service d’une imagerie captivante, ces mains faites d’aiguilles à coudre dès le générique de début, ça intrigue… d’autant plus que la musique qui parcourt une bonne portion du film, ce chœur aux paroles indistinctes, a un effet envoûtant.
J’ai déchanté par la suite.


Problème majeur pour moi, Coraline m’a paru antipathique. J’ai cru que ce n’était qu’une mauvaise impression qui allait passer, causée par le comportement puéril du personnage et le fait qu’elle ne cesse d’être sur les nerfs lors de sa première apparition, mais rien par la suite ne m’a permis de m’attacher à elle.
Pour ce qui est des personnages secondaires, j’ai apprécié l’idée des deux voisines, de vieilles filles limite séniles, qui sont d’anciennes vedettes de cabaret qui ont dépéri.
En revanche je n’ai pas du tout aimé le voisin, Bobinsky, je trouve son design moche et on essaye tellement de le rendre farfelu que c’en est irritant.
A vouloir créer des personnages au caractère marqués, le film en fait trop. Les parents de Coraline sont très différents l’un de l’autre, la mère est autoritaire et condescendante, le père est une loque à l’air cadavérique, et ils ont beau avoir le même boulot (rédiger des articles sur les plantes), on insiste sur leur dissemblance par un détail dépourvu de logique : pourquoi est-ce que l’épouse travaille sur un ordinateur portable moderne, alors que le mari a une machine antédiluvienne ?
C’est un détail, mais qui est représentatif d’une tendance à faire fi du bon sens, pour répondre à des besoins du scénario.


Coraline emménage avec ses parents dans une nouvelle maison, où elle s’ennuie, jusqu’à ce qu’un gamin lui offre une poupée à son effigie. Je trouverais ça trop glauque à sa place, mais ça ne semble pas la déranger, pas même lorsque la poupée s’anime toute seule et lui faire découvrir un passage secret. Cette petite porte mène sur une sorte d’univers parallèle, où les parents de Coraline sont gentils et attentionnés.
Le film joue sur le contraste très conventionnel entre le ton grisâtre du monde réel et un imaginaire haut en couleur, et il s’y passe choses magiques, mais si le but était d’en faire une vision enchanteresse, ça n’a pas eu cet effet sur moi.
Tout ce dont rêve Coraline se réalise, mais justement c’est trop parfait pour ne pas être inquiétant ; la gentillesse excessive des personnages semble d’une hypocrisie qui cache forcément quelque chose. Et puis surtout… ils ont des boutons à la place des yeux, comme des poupées !
J’ai trouvé tout ça glauque depuis le départ, alors même que le film est censé représenter la concrétisation des fantasmes de l’héroïne… Sans surprise, il s’avère que Coraline est tombée dans un piège, car si elle veut rester, elle doit aussi remplacer ses yeux par des boutons.
Mais… pourquoi ?
Le scénario dresse des pistes, on évoque le fait que la méchante tire son pouvoir de l’amour de ses victimes (mais c’est qui ? pourquoi elle se transforme en araignée ?), on voit bien que le les boutons font référence à la poupée que la méchante utilise pour espionner les enfants… mais je ne vois pas du tout comment tous ces éléments sont liés les uns aux autres.
L’univers n’a pas de cohérence. Pourquoi est-ce que Coraline aperçoit ses parents dans le miroir une fois qu’ils ont été piégés dans l’autre monde ? Ca n’a pas de sens, c’est motivé uniquement par un besoin scénaristique : il faut que l’héroïne sache où sont ses parents pour que l’histoire avance.
Et le film est plein de facilités de ce genre, comme lorsque l’autre gosse débarque en pleine nuit pour sauver l’héroïne au moment opportun. Mais qu’est-ce qu’il fout là, et à ce moment précis ?
C’est triste à dire mais Henry Selick tombe dans le même piège que pleins d’autres créateurs de films pour enfants : il ne se fatigue pas trop à tisser un récit et un univers cohérents.


Et tout ça pour nous servir cette morale bidon et tellement commune : il faut se contenter de ce qu’on a. Coraline retourne dans le monde réel, elle apprend à aimer ce quotidien qui l’ennuyait jusqu’alors et à se suffire de ses parents qui, juste pour pouvoir servir le message du film, se montrent alors plus attentionnés qu’ils ne l’étaient jusque là.
Il faut reconnaître au moins que l’ambiance est plutôt réussie (la fin est un peu angoissante, alors j’imagine que pour les enfants ça devait être terrifiant), et puis… c’est joli, quoi.

Fry3000
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le 21 août 2016

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Wykydtron IV

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