Dire que ce Cosmopolis était attendu relève de l'euphémisme, pour ne pas dire de la litote. Figure emblématique de la sélection cannoise, occasion pour Cronenberg de rattraper ses dérives psychanalytiques précédentes, possibilité pour Robert Pattinson de s'extraire de son image de vampire émo pour adolescente pré-pubère, l'adaptation du roman de Don DeLillo (voir précédemment) par le maître canadien était un défi d'une ampleur remarquable.
Difficile de juger le résultat. Même après deux visionnages, il est délicat de juger cette oeuvre explosive et particulièrement perturbante. Premier point, formellement, Cosmopolis est magnifique. La mise en scène de Cronenberg est à la fois sobre et impeccable. Huis-clos étouffant dans un New York crépusculaire et post-apocalyptique en proie au chaos, le film aurait pu vite tourner à l'exercice de style. C'est compter sans le talent du réalisateur, qui nous offre une vision de l'enfer à travers les vitres de sa limousine. Aventurant peu sa caméra à l'extérieur, il parvient malgré tout à rendre palpable la folie qui s'est emparé d'une ville, une prouesse d'autant plus louable qu'il s'agit de l'une des mégalopoles les plus emblématiques au monde, qu'il parvient à désincarner, à déshumaniser sans jamais vraiment la représenter. On pourrait aussi bien se situer à Toronto ou à Bangkok, par exemple.
Sur le fond, à présent. Les lecteurs de DeLillo ne seront pas dépaysés, on retrouve la patte de l'auteur dans les dialogues nerveux qui rythment le film. Des dialogues omni-présents, d'ailleurs, ce que beaucoup pourraient reprocher à Cronenberg. Mais, contrairement à sa Dangerous Method, ce Cosmopolis transpire des obsessions passées du réalisateur, comme si celui ci avait voulu tirer un trait sur cette dernière décennie trop accessible et revenir à son Festin nu, ou à Crash. Ce dernier revient d'ailleurs souvent à l'esprit de par sa proximité avec l'oeuvre présente. On y retrouve cette même ambiance malsaine, ce même aspect sale, cette même impression de fin du monde, cette même fusion entre l'homme et la machine.
Ici, c'est la mort d'un système qui nous est contée, la destruction du capitalisme par ceux-là même qui l'incarnent, qui le font vivre. Tel un trou noir, Eric Packer entraîne dans sa chute une galaxie de personnages secondaires, tous plus ou moins concerné par la fin d'un empire dont ils ne cernent pas vraiment les limites. En ce sens, le casting est impeccable, Pattinson en tête, qui parvient à casser son image de vampire pour incarner ce golden boy désabusé et coupé des réalités du monde. Il en faudra cependant plus pour savoir si on a là affaire à un véritable talent, à l'image de son ex-partenaire Kristen Stewart, ou d'un feu de paille.
Oeuvre sombre et d'une violence intérieure terrifiante, Cosmopolis ne plaira certainement pas à tout le monde, et devrait même faire l'objet de terribles débats entre ses pro et ses antis. La désillusion risque d'être violente pour toutes les midinettes qui iront voir le film uniquement pour son interprète principal...