Ou comment un parti pris artistique pertinent peut desservir son film.

Parfois cité comme "chef d'oeuvre méconnu" de Maître Coppola, Cotton Club ne mérite pas toute à fait cette élogieuse appellation. Entendons-nous bien, on a là un film de grande qualité que je te conseille, lecteur, mais le sentiment global qui s'en dégage est quand même celui d'un grand rassemblement de points forts hélas compromis par un choix artistique au double tranchant sans pitié.


D'une part très original et pertinent (d'où une première nomination aux Oscars à l'époque), le montage du film honore ce dernier en même temps qu'il le trahit. Alternant les somptueuses scènes de spectacle reconstituées avec un soin évident avec la progression d'un récit intelligent, la recréation du quotidien de ce mythique cabaret new-yorkais dans les années 30 est efficace. Le bas blesse quand même car à trop bien reléguer le spectateur (toi, moi, nous) à sa place de spectateur (et celle de tout client du Cotton Club), ce dernier n'entre que superficiellement dans le film. Certes, il y a de l'astuce au procédé mais il y a aussi la frustration pour nous de ne pas être émotionnellement plus impliqué.


D'autant plus que le scénario ne manque pas de qualité. Celui-ci nous fait suivre le parcours de deux protagonistes, le trompettiste blanc Richard Gere et le claquettiste noir Gregory Hines (des deux le moins connu, des deux le plus attachant), deux archétypes de cette époque. Tous deux entraînés dans deux difficiles histoires d'amour qui les mettront aux prises avec deux ennemis eux aussi emblématiques de cette période : un dangereux gangster joué par James Remar (futur papa-fantôme de "Dexter", ici tour à tour inquiétant, tyrannique, haïssable, pathétique) pour le premier, et le système ségrégationniste tout entier pour le second. D'où de nombreuses situations intéressantes dont la puissance émotionnelle est tuée dans l'oeuf. De ces deux histoires, la deuxième reste à mon sens la plus intéressante avec une juste dénonciation des mécanismes d'un racisme primaire et irréfléchi, enclencheur d'un retour de bâton bien douloureux (cf la scène dans les toilettes du Club, menée par un Laurence Fishburne charismatique en jeune loup de Harlem) et d'un engrenage de violence encore d'actualité.


Par ailleurs, la reconstitution est bluffante de réalisme : décors, bande son, costumes... toute la DA est magistrale (d'où une seconde nomination aux Oscars) et nous offre un très dépaysant voyage temporel dont on savoure le moindre détail sonore ou visuel. A ce brillant travail s'ajoute celui très plaisant du tout aussi impressionnant casting : en plus des noms mentionnés, citons aussi Bob Hoskins et Nicolas Cage et les charmantes Diane Lane et Lonette McKee, la première n'ayant pas le chien de la deuxième mais dont sa nomination aux Razzies Awards (l'Oscar du Plus Nul) me semble quand même un peu dure...


Pour conclure, un film méconnu de Coppola que je recommande quand même pour ses nombreuses qualités qui font passer un plus qu'agréable moment. Et penser qu'il aurait pu atteindre l'envergure des Parrain et autres Apocalypse Now. Aurait pu.

LynxBleu

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