Bien souvent, on sort déçu des films qui adaptent un roman pour le grand écran, comme Le Dahlia Noir et Le Parfum, ou pire L'écume des Jours. Et désolé, mais malgré tout mon amour pour le cinéma d'Albert Dupontel, Au ravoir là-haut est décevant en terme d'adaptation ... c'est du bon Dupontel, mais c'est une mauvaise adaptation. On pourrait presque faire le même constat pour Shining de Stanley Kubrick qui est un immense film, mais qui perd toute l'essence du roman (le naufrage de l'alcoolisme) lors de son passage sur grand écran. Les exceptions sont rares, de films où l'on retrouve toutes les saveurs du roman, comme Le Seigneur des Anneaux, Le nom de la Rose ou Le Baron de Münchausen. Généralement l'histoire n'est pas respectée et les modifications sont soit inutiles, soit mauvaises.
Mais parfois, on a des bonnes surprises et Les Couleurs de l'incendie de Clovis Cornillac le prouve. Très surpris donc par la qualité de son adaptation, le scénario est très riche, assez vivant et avec beaucoup de péripéties. Trahison, corruption, cupidité et vengeance sont les maîtres mots de cette histoire. Suite directe d'Au revoir là-haut, Couleurs de l'incendie me semble être plus dans l'intime et plus bavard aussi (c'est principalement une histoire de négociations) que son predescesseur. Par contre, ce qui rapproche les deux films, c'est la toile de fond, à l'entre des deux guerre, sur fond d'essor du régime nazi.
Nous sommes à Paris en 1927, juste avant la grande crise financière des années 30, avec Madeleine Péricourt (Léa Drucker) qui est l'héritière d'une famille, la riche famille des Péricourt. Elle devra donc continuer de faire fructifier le petit empire naissant, sauf qu'il y aura des bisbilles et elle va se faire piéger par certains, notamment par son banquier Gustave Joubert (l'immense Benoît Poelvoorde), par son oncle Charles Péricourt (le non moins excellent Olivier Gourmet), par l'écrivain André Delcourt (Jérémy Lopez) et par son assistante Léonce Picard (Alice Isaaz). Absolument tout le monde dans son entourage va la trahir ou presque tout le monde. Son seul soutien restant sera son chauffeur personnel Monsieur Dupré (Clovis Cornillac). Tous deux vont alors se lancer dans une quête de vengeance.
On s’identifie complètement à Madeleine et on veut voir Gustave payer pour ses actes. L'interprétation de Léa Drucker est formidable. Elle confère à Madeleine une force de caractère et une énergie qui impressionne. Après avoir connu une telle tragédie, on se dit que cette femme n'a aucune chance de s'en sortir. C'est pourtant lorsqu'elle perd tout, qu'elle trouve sa véritable identité. Elle est entourée d'hommes cupides qui veulent leur part du gâteau. Il lui suffirait d'accepter les avances de Gustave pour continuer de vivre tranquillement, mais elle trouvera la force de s'y opposer. Elle va se battre pour sa famille ...
et elle va même trouver le bonheur avec Monsieur Dupré. Le couple naissant Léa Drucker - Clovis Cornillac est formidable, tous deux drôles et attendrissants ... ils sont tout-mignon-tout-plein, quoi !
Mais tous les comédiens sont formidables, bien aidés par l'écriture des personnages tous riches et complexes. Benoît Poelvoorde, Olivier Gourmet, Jérémy Lopez, Clovis Cornillac, Fanny Ardent et la ravissante Alice Isaaz, tous sont formidables. Et je crois que Clovis Cornillac n'est pas étranger à cela, il se révèle être un formidable directeur d'acteurs. Et puis la réalisation, les costumes, les décors et la photographie du film sont sans le moindre reproche ... et certaines scènes sensuelles (et sexuelles) du film sont très belles aussi. C'est une grosse production à la française et l'une des meilleures du genre.
Allez voir ce petit bijou du cinéma français. D'ailleurs, je prédis la nomination au César pour le meilleur film, meilleur scénario, meilleurs costumes et meilleur actrice pour Léa Drucker. Et on pourrait même rajouter le César du meilleur acteur dans un second rôle pour Benoît Poelvoorde, son interprétation est absolument jubilatoire.