Sam Peckinpah n'est pas encore ce réalisateur au style tape-à-l'oeil avec ses personnages barrés qui se mitraillent au ralenti. Après une première expérience douloureuse, il parvient à garder la main sur cette deuxième réalisation. Ce film est un parfait trait d'union entre le western hollywoodien qui s'achève et le genre crépusculaire qui va bientôt lui succéder. La présence de deux figures du western de la grande époque au générique (Randolph Scott et Joël McCrea excellents en vieux cow-boys en bout de course) ne peut pas mieux illustrer ce symbole.
Si l'histoire, sur le papier, est des plus classiques, sa réalisation rend aussi bien hommage aux meilleurs westerns hollywoodiens de l'âge d'or qu'elle annonce le nouveau western avec ses scènes baroques (le camp dans la montagne) et ses personnages jamais encore vus dans ce type d'entreprise (la mine patibulaire des frères Hammond).
Le récit s'enrichit en même temps que ses personnages se dévoilent, et l'histoire se déplace intelligemment pour raconter une rédemption qui s'impose à ces personnages qui n'auront plus l'occasion de se racheter après cette aventure. Le ton est à la fois sombre et léger, les scènes traditionnelles du western étant montrées presque avec ironie et bienveillance, le nouveau western commençant à s'incarner dans la violence des antagonistes. La morale reste à peu près sauve et les jeunes amants auront droit à un avenir mais on comprend bien qu'il sera difficile de survivre dans ce nouveau Far-West où la sauvagerie des hommes ne manquera pas de s'attaquer aux plus faibles et aux plus gentils. Une sorte de passation de témoin entre le western de pacotille à la sauce hollywoodienne et le western crépusculaire qui arrive au grand galop avec son réalisme, sa violence et son sadisme. La fin du film trouve le juste ton entre un happy end trop naïf et une trop sombre tragédie.
Les vieux héros des westerns d'antan vont mourir ou disparaitre des écrans (c'est le dernier film de Randolph Scott) pour laisser place à de nouveaux personnages peu recommandables. Seul le "Duke" fera de la résistance. Avant de sombrer peu à peu dans l'excès, Peckinpah signe ici un western remarquable.