Tout le film de Delmer Daves est résumé dans son titre, simple, direct et qui claque. Il raconte en effet l'apprentissage du métier de cowboy par un employé d'hôtel désireux de changer de vie, Daves nous fait donc partager cette existence rude et astreignante ; à l'image du personnage de Frank Harris incarné par Jack Lemmon, on découvre peu à peu un univers moins idyllique que ce que l'on croyait.
Pour le spectateur européen surtout qui s'imaginait une vie de rêve, exotique et pittoresque forgée par de multiples westerns convoyant des troupeaux (notamment la Rivière Rouge de Hawks), c'est une découverte plutôt âpre rythmée par les nuits à la belle étoile, dans le froid nocturne, sous la pluie battante ou sous la chaleur étouffante de journées éreintantes, avec le chariot-cuisine, les veillées au coin du feu, l'assiette de bacon grillé ou de lard bouilli aux haricots, et l'énorme cafetière qui semble ne jamais désemplir.
Le choix de Jack Lemmon peut surprendre dans un western, plus habitué aux comédies de Billy Wilder à la même époque, mais en fait, il est excellent car il fallait justement un acteur totalement étranger au genre pour donner une vision plus réaliste du gars qui découvre le métier de cowboy. Le film possède ainsi une étrange vérité car Lemmon va se transformer, se durcir, devenir autoritaire et découvrir qu'une vache vaut plus que la vie d'un homme. Cette peinture du milieu décrit est très réaliste, la vie quotidienne des cowboys est montrée parfois de façon cruelle mais juste, c'est un panorama un peu en forme de documentaire qui est un peu désenchanté et où Daves s'attache moins aux scènes d'action qu'à l'aventure humaine.
L'opposition de Lemmon à Glenn Ford, symbole du cowboy endurci et aguerri se traduit d'abord par un antagonisme puis une complicité qui permet à Daves de brosser une histoire tout à fait originale de l'univers westernien. Ford qui dans le western a souvent incarné des personnages plus débonnaires, trouve ici une sorte de contre-emploi en patron dur et sec, peu enclin au dialogue, mais qui s'accorde parfaitement à la dureté du métier de cowboy, qu'il décrit de manière exemplaire dans la scène de la baignoire lorsqu'il essaie de dissuader Lemmon de rejoindre son équipe ; il trouve là encore un de ses meilleurs rôles dans ce western très adulte. Les 2 vedettes sont bien entourées par de bons seconds rôles comme Dick York, Richard Jaeckel, Brian Donlevy (dans un de ses rares rôles non ingrats) et King Donovan...