Le décor, chez Sergio Leone, n'a plus à démontrer son importance. Témoin d'une époque, il s'insinue partout, couvre les crimes et exacerbe les rancunes. L'époqe du maître était celle d'un passé à revisiter.
Au 3ème millénaire, quand un criminel taciturne nommée Vincent menace une ville entière, Shinichiro Watanabe lui donne l'aura d'un fantôme. L'aventure s'ouvre par la confession du terroriste. L'homme ressasse davantage qu'il n'explique. Il est seul, le sourire carnassier, vaguement sarcastique. Ce rictus, on le devine, il ne l'a pas répété. C'est sa carte de visite, le souvenir d'un passif obscur. Sans attaches, son long manteau ne lui donne que plus de prestance. Jeté dans le désert, un six coup à porté de griffe, il aurait fait merveille. Largué dans cette ville du futur, il cherche sa nemesis.
Là-haut dans le ciel, ce qu'il n'aura jamais : un vaisseau avec famille à bord. Celle du Bebop, groupe de chasseurs de primes dont le duo vedette, Spike et Faye, donne à la sexytude une raison d'être. Même en ombres chinoises, ils en imposent, et la mégalopole leur tend les bras. Du souk au centre commercial, du pénitencier au métro aérien, l'enquête se fait errance. Elle séduit et ne s'en cache pas. Le temps ne l'effraie pas, ni le mélange des genres. La trempe d'un film noir, la dégaine d'un western et le cœur d'un film de SF, ce Cowboy Bebop. Quelque chose d'intensément adulte sous ses airs frimeurs.
Créateur de la série originale, Shinchiro Watanabe travaille ses axes de caméra comme d'autres érigent des gratte-ciels : lentement, sûrement et en visant le sommet. Dans les faits, son film gagne en épaisseur un acte après l'autre, voguant d'une scène d'action furieuse à une longue parenthèse introspective. Chez Watanabe comme chez Leone, la posture a autant d'importance que le geste. Du coup, pas étonnant que Cowboy Bebop fasse du verbe un compagnon de route au lieu d'un guide. Quand on y cause, c'est pour faire marrer, pour en dire long, mais jamais pour rien. S'il y a du vide, que le silence l'envahisse...
L'horizon s'amenuise et la météo s'affole. Ce n'est pas l'oeuvre de Leone mais celle d'un élève accompli. Cowboy Bebop : le film, c'est du polar jazzy comme on en fait plus, slow urbain en équilibre sur les ailes d'un papillon. A la fois drôle et habité. Méchamment classe, en fait.