Encore une marque d'intelligence merveilleuse des distributeurs français, remplacer un titre original, cohérent avec le cœur du sujet, par un autre, anglophone (logique de la part du pays de la langue de Molière !), incohérent, car réducteur. Ben ouais, quand même, vous imaginez si quelqu'un lit le titre, Cocaine Bear... eh ben, c'est ça qui va lui donner envie de plonger dans la drogue. Non, sérieux, lire le nom d'une drogue en poudre associée à un ours pousse à se remplir les narines. On ne le signalera jamais assez.
Bon, sarcasmes à part, ce film d'Elizabeth Banks (ouais, pourquoi pas !) est vaguement inspiré d'une histoire vraie, s'étant déroulée en 1985 dans l'état américain de Georgie, à savoir celle d'un malheureux ours qui est mort d'avoir ingéré de la cocaïne, larguée par un trafiquant (décédé juste après, d'un accident de parachute... ouais, je vais épuiser ma peine que pour l'ours !) dans la forêt dans laquelle il vivait. Ici, dans notre film, le plantigrade, tout de CGI vêtu (visible à des kilomètres !), survit et, totalement défoncé ainsi que devenu addict, devient le tueur improbable d'un slasher, massacrant tout ce qui lui passe sous les pattes.
Dans un premier temps, Banks semble avoir saisi, qu'à partir d'une idée de départ aussi débile, la seule solution est d'en réaliser une comédie d'horreur complètement déjantée. Et ça donne de beaux délires, surtout dans un premier tiers prometteur, la scène d'intro dans l'avion (lors de laquelle la cinéaste comprend que montrer un personnage paraissant tout gérer à la perfection, pour que l'irruption brutale de la stupidité n'en soit que plus hilarante, est efficace !), une séquence avec deux arbres l'un à côté de l'autre (je n'en dis pas plus !), une autre antérieure, avec un couple de jeunes randonneurs, illustrant que la recherche crétine du buzz, au lieu de penser à sa survie, est très mauvais pour la santé, et, pour finir, un moment absolument WTFuckesque avec une ambulance (je n'en dis pas plus là aussi !).
Mais, en dehors de ses trop rares petites pépites d'humour noir, aussi défoncées que notre tueur en série poilu, l'ensemble se dilue dans un trop grand nombre de personnages (dont les introductions ralentissent trop le récit, en s'éloignant un peu trop longtemps de notre grosse boule noire en CGI, au lieu de se concentrer principalement sur les divers carnages !), dans des plongées dans le pas du tout politiquement correct vite avortées, comme si le film avait peur d'être audacieux dans ce domaine (je pense en particulier aux deux gosses qui bouffent des poignées de cocaïne... ce qui ne sert à rien puisque ce n'est plus du tout exploité par la suite, le comportement des intéressés restant le même... je rappelle juste qu'ils se sont empiffrés de cocaïne, pas de sucre en poudre !).
Autrement, certes, il est tout à l'honneur de Banks de vouloir souligner que le prédateur toxicomane est davantage une victime qu'autre chose, que les véritables antagonistes sont des trafiquants de drogue profondément cons (en effet, sans eux, l'ursidé aurait continué sa vie pépère sans rien demander à personne, excepté qu'on le laisse tranquille !), spécialement le chef de la bande, incarné par le regretté Ray Liotta (dans son dernier rôle !), mais, dans cette optique, en jouant la carte "famille réunie", Cocaine Bear s'engouffre dans la niaiserie au lieu de foncer jusqu'au bout de la dinguerie, de conserver son ton de la première à la dernière seconde (oui, c'était possible de s'y maintenir tout en mettant en avant l'innocence de l'ours !).
Ce qui a pour conséquence que les grosses invraisemblances sont nettement moins acceptables (oui, ça passe mieux dans un truc se voulant à 100 % débile, étant donné que ça peut être pris pour de la débilité supplémentaire !), à l'instar d'un des personnages qui est kidnappé par la grosse bête et à qui il n'arrive rien de mal... parce que... parce que... "ta gueule, c'est magique !" ou en ce qui concerne le sort de certains des protagonistes...
Je parle bien sûr des deux trafiquants de drogue "gentils" qui continuent leur existence, peinards, sans conséquence, alors qu'ils sont indirectement liés à la perte de plusieurs kilos de drogue. Je signale qu'ils évoluent dans un milieu n'aimant pas que son pognon soit dans la nature, du genre à ne pas hésiter à exprimer ce type d'insatisfaction d'une manière peu catholique.
Je passe vite fait sur l'invraisemblance d'un flic qui se lance tout seul dans une enquête aussi importante et dangereuse, d'autorités qui n'interviennent pas malgré l'ampleur du carnage...
Bref, le film n'est bon que très peu souvent, que quand il assume pleinement la crétinerie de son scénario.