Le gris du décor, son aspect délabré, l'abandon et la pauvreté. Le petit boulot, le footing en survêtement. Gris. La solitude aussi. Jamais la Russie aura tant ressemblé aux images que l'on garde en mémoire de la ville de Philadelphie.
La filiation est réaffirmée. Parfois le temps de quelques plans. La statue. Les marches. Les bras levés et les photos, aussi. Entre les personnages surtout. Avec ce retour finalement sans grande surprise. Celui d'un nom synonyme de douleur et de mort. Porté par un molosse musculeux qui, l'espace d'une seconde, montre des airs d'un faux Tom Hardy.
Tandis qu'Adonis, qui s'était enfin démarqué de l'héritage de son père dans Creed, semble comme régresser, comme sous l'emprise de la malédiction familiale. Pourquoi accepter ce match ? Alors qu'Adonis avait réussi à se faire un prénom ?
Creed II est bien sûr agréable à suivre, c'est le moins que l'on pouvait attendre de la part du nouvel opus d'une franchise sous la tutelle de sa légende. Celle qui a fait un pas de côté à l'occasion d'un Héritage, avant de faire un pas en arrière dans un long métrage solide, carré, sérieux, propre, parfois hargneux.
Mais finalement sans le sang neuf, sans étincelle de génie, sans la spontanéité ni l'attachement que l'on était en droit d'attendre.
Car Adonis n'est tout simplement pas Rocky, cette figure mythique au bout du compte intemporelle malgré l'inéluctable poids des ans. N'aurait-il tout simplement pas fallu oser s'émanciper de cette image du père de substitution à la fin de son Héritage, en lui faisant perdre son dernier match contre la maladie ?
Car dans Creed II, il ne s'agit désormais plus, à l'évidence, de son combat.
Réduit à la figure de simple mentor taiseux et humble. Son histoire se limitera ici à une brouille, un réverbère à dépanner afin de faire le lien avec son Philadelphie vétuste des laissés pour compte, puis de le faire renouer avec son fils, le temps de quelques trop maigres scènes expédiées.
On revient donc au motif du père et du fils, légitime ou de substitution. Rocky, Apollo, Ivan, tous agités par une certaine fascination des temps anciens que l'on essaie de raviver par procuration via une jeune génération beaucoup moins charismatique. Les retrouvailles entre les deux figures de cet âge d'or reaganien aujourd'hui révolu se limiteront, quant à elles, à une opposition verbale dans le restaurant de l'ex boxeur, depuis longtemps éventées dans leur caractère exceptionnel avec la franchise Expendables.
Les sentiments de la jeune garde, eux, ne sont explorés qu'a minima, Viktor Drago ne restant que vaguement ébauché dans sa relation avec ses géniteurs. Adonis, lui, voit sa vie privée développée sans pour autant être irriguée d'une quelconque sympathie, tant ses relations avec sa mère ou Bianca restent à la surface des choses. A l'inverse de films comme Warrior ou La Rage au Ventre, littéralement habités par leurs personnages principaux respectifs.
Reste le sport. Et là, si la défaite et la douleur font en sorte qu'Adonis résonne quelque peu dans les tripes du spectateur, tout comme un entraînement en forme de véritable retour aux sources pour le jeune boxeur, le match final manque tout simplement de panache. Si certains uppercuts font mouche pendant les premières reprises, Steven Caple Jr semble rapidement ne plus trop savoir comment mettre en scène l'affrontement de manière dynamique, en venant à caviarder le fight de ralentis parfois parasites. Il est donc loin de rivaliser sur ce plan avec ce qu'avait pu faire Ryan Coogler de cette figure imposée. Encore plus en comparaison avec l'incroyable duel de Rocky Balboa, indétrônable champion du monde poids lourds de la discipline, en possession de la ceinture pour longtemps encore.
Au point que l'on a l'impression que soudain, tant le metteur en scène que les scénaristes se désintéressent complètement, et de manière subite, de son antagoniste. En effet, le rapport de force s'inverse beaucoup trop rapidement pour convaincre, tandis que le molosse se laisse détruire sans plus réagir en un clin d'oeil, boulotté qu'il est par un demi-dieu en pleine résurrection.
Creed II est donc porté par des sentiments contraires : celui procuré par un bal des fantômes d'une génération révolue, de retour à l'écran en forme d'une certaine caution, tandis que celui procuré par une jeune garde prise au piège de cet héritage est celui d'un léger goût de trop peu. Car si le spectateur ressortira en disant que ce Creed II est sympa, il ne pourra s'empêcher de penser que l'oeuvre manque tout simplement de coeur et de conviction pour totalement convaincre.
Et donc finalement, de tout ce qui faisait le prix tant de l'éperdu et touchant Rocky que du requiem habitant le très émouvant Rocky Balboa.
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