Il me faut avouer en préambule que je n'ai jamais beaucoup aimé le cinéma de Kiyoshi Kurosawa, un réalisateur pourtant régulièrement encensé par "la critique qui compte" : si l'idée d'apporter l'intelligence d'une démarche auteuriste au cinéma de genre était assez culottée à l'époque (on parle des années 90...), la traduction de ces ambitions laissait régulièrement à désirer dans des films assez souvent confus et ennuyeux. Avec le temps, Kurosawa a recentré son cinéma, l'a clairement rendu plus accessible, ce qui nous amène aujourd'hui à ce "Creepy" capable de séduire un large public grâce à son histoire de psychopathe particulièrement vicieux. Sans avoir jamais recours à aucun effet de mise en scène facile, prenant intelligemment son temps, Kurosawa installe sur la durée un mélange de tension et de malaise redoutablement efficace, voire même formidablement emballant. Le personnage du voisin, interprété par un Teruyuki Kagawa au physique singulier, atteint alors des sommets de subtilité et de complexité, qui font vraiment honneur au script et à la belle mise en scène de Kurosawa. Las ! C'est quand "Creepy" bascule soudain dans le quasi fantastique, alors que Kurosawa nous fait découvrir d'un coup "l'envers du décor", que le film loupe son virage : en abusant d'un décor anxiogène finalement mal topographié, en détraquant la belle mécanique de ses personnages dont le comportement erratique ne répond plus à ce qu'on a vu jusqu'à présent,
et surtout en ne choisissant pas entre magnétisme naturel et usage d'une drogue assez improbable pour expliquer l'emprise de son serial killer sur ses victimes,
Kurosawa loupe le chef d’œuvre du genre qui se profilait. C'est dommage, mais "Creepy" reste une expérience tout-à-fait recommandable. [Critique écrite en 2017]