Giono reprochait à Pagnol d'avoir décrit une Provence de "tutu-panpan" dans ses réalisations de "Regain", "un de Baumugnes", etc …. Ici, disait-il, il n'y a pas de cyprès, pas de tambourinaires, pas toujours de ciel bleu ; Il n'y a que l'aridité et le vent.
Crésus est le seul film que Giono a réalisé d'après son propre roman suivant ces principes-là. Le ton est âpre comme la vie dans ces Préalpes provençales où on ne vit finalement pas si mal mais de rien.
Les gens perdus et isolés dans ces montagnes s'observent, se jalousent, s'interrogent dès lors que le voisin entreprend quelque chose d'inhabituel.
Alors quand la fortune, immense, "hénaurme", tombe du ciel, que peut-on en faire ? Un banquier local, questionné par le berger Jules, répond : mais avec tant d'argent, on peut s'acheter 10000 bicyclettes par seconde pendant 10000 ans ! Et la frayeur s'empare du berger Jules qui n'arrive pas à imaginer que faire de tant de bicyclettes !
Il organise un banquet pour les villageois qui se termine en pugilat devant cet argent fou venu d'on ne sait où et qui permet d'acheter des choses qu'on ne peut pas avoir en temps normal. Qu'un seul ait quelque chose inaccessible aux autres démontre bien que cette fortune subite est louche. Jules se met alors à distribuer tous les jours aux villageois de façon équitable de cet argent mais les gens devenus "riches" prennent peur à leur tour et se surveillent l'un l'autre de peur de se faire déposséder ou d'avoir moins que l'autre. Cet argent empoisonne toutes les relations et démontre ainsi que l'argent, décidément, ne fait pas le bonheur.
Ce film est en quelque sorte un bien intéressant conte philosophique sur le rapport des gens à l'argent.
Fernandel qui joue le rôle de Jules est extraordinaire de simplicité et de sincérité et ne sur-joue pas son rôle (pour une fois).
Sylvie joue une fine et savoureuse institutrice à la retraite (du genre hussard de la république) qui refait la leçon à Fernandel, perdu dans son calcul de sa fortune, sur l'utilisation du zéro dans les nombres.