Waow. Comment peut-on faire plus lénifiant et paresseux ? Comment réaliser un film aussi pervers et dirigé sur son fond même? Tout en étant extrêmement violent juste pour montrer que bon, on réalise quand même un film d'espionnage musclé et moderne avec tous les codes et tout et tout. Et puis Kevin a fait il n'y a pas si longtemps le magnifique 3 Days to Kill. Donc pourquoi ne pas refaire dans le (très) mauvais. Avec de plus un point de départ douteux et pas si risible, tant il pourrait être possible vu les avancées (ou plutôt les recules) de la science : la greffe de la personnalité psycho-neurologique d'une personne sur le lobe frontal d'une autre. Rien que ça.
Hollywood au service d'une idéologie. Bonjour l'éthique.
Tout d'abord le film est filmé de manière très répétitive et surtout avec un montage qui colle les morceaux d'images presque au hasard. Des plans aériens qui montent et tournoient comme dans tant d'autres films du même genre quand l'histoire change d'endroit, caméra rapprochée qui a la bougeotte pour les combats afin d'éviter de voir que personne ne sait se battre ici et plans rapprochés pour les scènes de pathos à l'américaine. Et ce pathos au passage vire au fameux chantage émotionnel qu'on voit venir dès la seconde ou apparaît une gamine au milieu de ce films d'agents secrets et de méchants informaticiens. Cela n'est même pas une révélation (un "spoiler" dit-on de nos jours …) tellement vous l'avez déjà vu et revu.
En parlant des méchants informaticiens. L'un est un bobo hollandais qui se nomme … Le Hollandais. Il est habillé avec ses chaussures montantes noires et son bonnet trop court comme tout bon informaticien méchant bobo hollandais. Il a son ordo portable et pirate le bouclier anti-missile des Etats-Unis ou un truc du genre. Bien sûr. Une caricature d'hacker/cracker en somme. Une façon de montrer à quel point les Anonymous et d'autres hackers pourraient être dangereux. D'ailleurs il se compare lui-même à Snowden et demande l'aile aux Russes ! Qui sont méchants également. Bah oui, à l'ancienne en somme. Comme ça, les choses ont clairs, Snowden c'est un méchant bobo qui aurait pas du trahir la N.S.A. Et cela ne s'arrête pas là, car le grand méchant est encore plus hallucinant. C'est genre Julian Assange version espagnole ! C'est une sorte de lanceur d'alerte mais riche et qui veut, bien évidemment, renverser les gouvernements. Tous. Pourquoi ? Car ses allégations de corruptions il ne peut pas les prouver dans un tribunal et cela parce que, comme il le profère lui même, tout le monde est complices. La justice, la politique et tous les autres. Tout cela lors d'un entretien que l'on voit par l'entremise de la télévision. La gentille télévision avec ses journalistes objectifs et neutres donc. Difficile de faire plus cliché et de pervertir plus la réalité. En fait ce film est la suite du Cinquième Pouvoir, qui était déjà un film référence.
En face nous avons de durs agents de la C.I.A. mais dans le fond c'est quand même eux les gentils. Il ne manquerait plus qu'un gentil agent du Mossad et le tableau aurait été complet.
De plus l'idée directrice du film permet la paresse citée plus haut. En effet le personnage principal, un criminel sociopathe nommé Jericho, n'a qu'à se laisser guider par les souvenirs du mec mort greffé à son lobe frontal (sic). Ce qui permet aux scénaristes de lui faire venir un souvenir greffé dès qu'ils ne savent plus quoi écrire pour que le film avance. Ce qui est au fond lasse et donne l'effet inverse. Et le film rame.
Et le pire, le plus dangereux, c'est le message implicite qui semble nous dire : la technologie peut changer un criminel en lui faisant une opération cérébrale où on lui greffe une autre personne. Opération dont on pourrait facilement douter, surtout sur le plan éthique et celui des conséquences physiologiques.
Donc le criminel sociopathe devient un sympathique père de substitution grâce à la greffe du vrai père de ses souvenirs !
Magique. Là, les Transhumanistes vont être contents. En cela il se rapproche du déjà pervers Transcendance.
Au delà des considérations idéologiques et politiques, cette co-production Samuel Hadida (chose que que je n'ai vu qu'à la fin du film, sinon je crois que j'aurais pas venu …) est également une championne de l'incohérence
L'incohérence faite film
Techniquement on est bien aussi. Premier exemple : la veuve de l'agent Bill Pope de la C.I.A., le monsieur dont les souvenir et les émotions sont greffés dans la tête de Jericho (Kevin Costner), se fait attaquer par celui-ci, alors qu'il est recherché par toute la C.I.A. à Londres. Plus tard il revient chez elle, passe la nuit sur le canapé et pas un agent n'est posté à la maison de la jolie veuve (Gal Gadot). Même pas un coup de fil de la C.I.A. ne vient troubler leur discussion ! Ils s'en foutent ils veulent que les infos. Et puis c'est vrai que de toute façon c'est débile sa part de revenir … Bah oui mais les infos elle sont justement dans son crâne ! Seul point sur lequel le film est réaliste en fait : la C.I.A. est connue pour son incompétence.
Deuxième exemple : le terroriste sauce internet reste planqué au même endroit TOUT le film alors qu'il se sait rechercher par TOUTE la C.I.A**. ET** un méchant terroriste qui a des hommes de mains à plus savoir quoi en faire et un système pour retrouver n'importe qui par le biais du réseau de télécommunications. Sérieux ? Il reste là pendant des jours et peut être même plus, puisque Jericho le retrouve grâce aux souvenir de l'agent Pope, tué au début du film … Au secours.
Ensuite nous avons le médecin (Tommy Lee Jones) qui dit au début du film : "hé les gars, je peux par faire d'implant sur un sujet humain avant cinq ans". Sur quoi l'aimable agent lui rétorque "Vous avez deux heures !". Donc il le fait. Pourquoi pas, nous sommes dans un film, il faut donner un sens de l'urgence. Soit. Mais quand à la fin du film, soit quelques jours après en terme de temporalité d'histoire, le même professeur nous dit qu'il a trouvé une solution pour stabiliser les souvenirs du défunt dans la tête de Jericho, là on se dit qu'on se fout bien de nous. Un tel progrès en si peu de temps alors qu'il a consacré dix huit ans de recherche juste pour l'implant. Franchement le dialogue ne devrait pas donner autant d'infos, il se tire une balle dans le pied à chacune d'entre elles.
Enfin le combat final est un gros gag. Jericho arrive en ambulance, défonce une voiture, sort son marteau (si,si, comme Thor. Ce qui est marrant vu que le méchant s'appelle Heimdahl) et fonce droit sur tous le monde. Les mecs sont au moins cinq mais personne ne vient lui tirer dans le dos ou dans la cuisse. Ils attendent sagement de se faire massacrer comme dans un beat'em all. Ahurissant.
J'arrête ma liste mais là où des adaptations de Le Carré ont un recule réaliste, celles de Lundlum un minimum de réflexion patriotique ou celles de Fleming une finesse humoristique et ésotérique, ce film est une caricature des films d'espionnages modernes.
Il y aurait aussi à dire/écrire sur le choix du nom des protagonistes : Jericho, Pope, Heimdahl … Je laisse mon aimable lectorat réfléchir à cela. Vu les noms de l'équipe de production, des théories sont effectivement possibles. Moi aussi parfois je "paresse" …
Ne parlons même pas de l'exécrable direction d'acteurs, dont pourtant au moins trois d'entre eux sont reconnus pour leur excellence. Une incohérence de plus, mais l'ami Ariel à l'air fort bien connecté.
En conclusion, un film qui manque totalement de savoir-faire et d'intégrité , car il couche totalement avec le pire de la culture américaine et fait le tapin pour la mécanique pseudo-démocratique afférente.
Un film nauséabond qui surfe sur la peur des pirates d'internet, du fameux deepweb et du terrorisme international. Comment des acteurs comme Kevin Costner, Tommy Lee Jones et Gary Oldman, qui ont joué dans tant de films magnifiques, peuvent-ils finir dans une purge pareille ?
Quant à la production on peut leur poser cette question : Les gars comment vous avez fait, hein ? Franchement vous aviez le père de Superman, Wonderwoman, Deadpool et le supérieur hiérarchique de Captain America dans le même film et vous avez réussi à accoucher de cette bouse.
Bon c'est vrai que ce film plaira, au moins, aux Républicains, aux Republicans et au Likoud.