La nuit, toutes les Chastain ne sont pas Green.

Mais quel est donc ce nouveau Guillermo Del Toro ? Un remake plus ardu du Le Labyrinthe de Pan ? Un second volet de Mama, cette fois-ci avec le frangin et la Sista ? Une invasion horrifique quasi-mystique comme Les Yeux de Julia ? Une histoire de lieu hanté comme L'Orphelinat ? Les plus intraitables diront qu'il n'était que producteur sur les trois derniers cités. La vérité, c'est que ça commence à faire beaucoup de films sur cet univers onirique, baroque, d'épouvante et candide, et qu'à force de trop vouloir tirer sur la corde, on ne tire pas forcément les plus grosses peluches.


Esthétiquement, c'est superbe. C'est superbe parce que la photographie est absolument cohérente avec l'univers qu'essaie de dégager le film. Les lieux sont grandioses, notamment ce manoir noyé dans le sang. L'idée de la machine, comme régulateur de la tension du film, qui n'attend que son fonctionnement pour faire exploser l'intrigue, est aussi extrêmement intéressante et pertinente. C'est d'ailleurs une force propre à cet homme, et il faut le signaler car outre le prestige qui émane désormais lors de sa simple évocation, il y a un réel univers derrière, qui me rappelle un peu la patte Burton. Son univers, même lors de sorties plus confidentielles comme Cronos, est toujours recherché et alimenté, comme les épais livres de contes de notre enfance avec des tonnes d'images et de souvenirs. Guillermo Del Toro raconte l'étrange avec un charme naturel.


Côté scénario, et comme diraient les bastiais, c'est là que ça se corse...


Le film véhicule pas mal de clichés, mais ce n'est pas bien grave vu le réalisateur et le côté doucereusement abominable du film. Ce qui est plutôt dérangeant, c'est que j'ai l'impression que le film n'arrive jamais à trouver le ton adéquat entre son esthétisme et ses très bonnes idées, et l'histoire en elle-même. Tantôt horrifique, tantôt dramatique, tantôt rôle de composition pour Jessica Chastain afin de bien montrer qu'elle ne fait pas qu'aller dans l'espace, Crimson Peak est un curieux mélange de cauchemars juvéniles et de peurs factices et invraisemblables d'adulte, un Labyrinthe de Pan grimé, tourné sous les yeux carnassiers d'Eva Green. La belle aurait peut-être pu faire partie du casting d'ailleurs, et tenir le rôle de Jessica Chastain. Mais cette dernière est plutôt convaincante, surtout dans la dernière demi-heure, lorsqu'elle laisse parler sa folie. Car dans la première heure, son côté froide impassible ne marche que grâce au montage et à l'atmosphère pesante qui règne entre elle et le personnage de Mia. Jessica Chastain, dans un registre relativement rare, apporte donc une angoisse bien sentie et remplie la majorité des conditions nécessaires à ce personnage lugubre, boule de rancœur sur pattes. Là où une Eva Green en aurait peut-être un poil trop fait, Chastain, par choix ou naturellement, apporte de la noirceur et ne singe aucun second degré malvenu. Brillant.


Mia Wasikowska n'est pas spécialement intéressante, la faute à un rôle benêt et à une prestation sans relief. J'ai tendance à ne pas trop l'accabler, étant donné qu'il est extrêmement difficile de se dépasser dans ce genre de personnage ; elle n'est qu'un faire-valoir, un pantin qui entraîne les conséquences, péripéties et autres gaudrioles des fortes têtes à côté d'elle. Ce qui est, à mon avis, une bévue scénaristique. Tom Hiddleston est bluffant, comme souvent, même si ses objectifs à la fin du film me font grincer des dents ; quelle facilité... 6, une note correcte pour ce nouveau Guillermo Del Toro au manichéisme excessivement primaire et bien trop propre sur lui. Une petite déception, même si l'ensemble est à voir et à revoir, tant les détails qui peuvent accrocher l’œil du spectateur sont nombreux et épris de talent. De talent pur.

EvyNadler

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