Prim Son Creak
Le titre en anagramme ça peut faire « fils guindé grincement ». Je me suis creusé la tête, t'as vu. Rarement j'ai vu dans un film des scènes de sexe risibles à ce point. On n'y ressent...
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le 18 oct. 2015
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20
** Avec Crimson Peak, nouveau projet personnel et création originale sortie de l'imaginaire débridée de Guillermo del Toro, le réalisateur mexicain continue de bluffer son public en réitérant la recette de Pacific Rim, à savoir faire un film en forme d'hommage pour des fans du genre de l'horreur mais aussi à ceux du roman victorien.
Le double hommage est autant complexe que réussi, mais qu'en est-il du film même ? Crimson Peak est-il le film d'horreur de l'année 2015 ?**
Vous sautant aux yeux plus vite qu'un mauvais jumpscare, l'esthétique Victorienne vous emporte dès les premières notes de musique et la voix de la pure et frêle Mia Wasikowska; c'est elle qui sera notre héroïne livrée a elle même dans l'effrayant manoir.
Si le film emprunte bien évidemment son thème et ses codes au genre gothique, on remarque vite qu'il y emprunte aussi une structure narrative où chaque chapitre comporte sa propre unité. Ainsi prend-t-il son temps pour développer son intrigue, la rencontre de la belle avec le génial Tom Hiddleston et leur romance, la mort qui survient puis seulement l'arrivée au manoir, coeur du film se faisant désirer pendant tout le premier tiers de cette pièce de théâtre gothique. Car l'écriture n'est pas tant celle d'un film d'horreur que d'un roman du 19e, où le dialogue nous présente les émotions, les intentions, les complots et articule la mise en scène. La mise en abîme du roman de genre Victorien via le personnage d'Edith (Mia Wasikowska) et l'histoire qu'elle écrit s'insère d'ailleurs ici parfaitement et préfigure le film. Invoquant des grandes figures telles que Mary Shelley et Conan Doyle, le film leur fait aussi écho d'une bien belle manière.
L'épouvante trouve-t-elle alors sa place dans Crimson Peak ? Bien sûr, mais c'est à Guillermo del Toro qu'on a affaire; il emprunte, décortique, nous fait partager l'étendue de sa culture dans une horreur très hétérogène et (trop ?) subtile.
Si certains jumpscares peuvent hérisser le poil et les nerfs des habitués, l'horreur de Crimson Peak ne saurait se résumer à eux seuls tant les mécaniques empruntent à différents genres qui rendent le film d'une étonnante modernité aux antipodes de ses codes. Le fantôme cadavérique qui rampe après la belle apeurée dans un travelling saisissant semble directement sorti de l'horreur japonaise que seuls peuvent véhiculer des films comme The Grudge ou The Ring; tandis que le design des apparitions funèbres semble typique de l'imaginaire del Torien qu'on a pu apercevoir dans Hellboy ou le Labyrinthe de Pan.
Aussi étranges mais pas discordantes, certaines scènes clés du films comme des morts violentes ou l'affrontement final sont directement empruntées au slasher movies (dont Scream est un des meilleurs représentants). La façon que le film a de jouer avec nos émotions et créer la tension via la réalisation lors de cette scène du country club, laissant des fausses pistes, des miettes de pains au spectateur, pour achever ensuite sur une mort aussi violente que jubilatoire est un gimmick que l'on ne s'attendait certainement pas à retrouver dans un film comme Crimson Peak.
Enfin, certains éléments de narration comme la découverte du phonographe et des cylindres où Edith découvre l'affreuse vérité semblent directement sortis d'un jeu-vidéo comme Silent Hill ou Bioshock; quand on sait del Toro un gamer devant l'éternel, on ne peut douter d'une coïncidence.
La direction artistique développée autour du film est quant-à elle tout bonnement ahurissante et transpose le film dans une ambiance où le poétique s'insère dans une mise en scène ultra-maîtrisée.
Les décors recréés pour le film sont absolument magnifiques, on explore le manoir de la cave au grenier, en passant par le hall dans lequel le plafond percé libère un halo de lumière et fait de Allerdale Hall autant le cadre principal de l'intrigue qu'un personnage à part entière.
La photographie et l'utilisation dynamique de la lumière sont en outre autant d'éléments qui renforcent la dramaturgie du film. La froideur, au besoin, souligne aussi bien l'ambiance du manoir que les moments tragiques ou inquiétants tandis qu'une lumière chaude entoure les instants de romance entre Tom Hiddleston et Mia Wasikowska. Prolongement colorimétrique, la teinte des fantômes très codifiée suit une logique et pose une identité visuelle où les fantômes sont d'un rouge écarlate égal à l'argile des Sharpe.
À moins que cela ne soit le rouge du sang versé ?
Pour autant, la direction artistique, la mise en scène, l'habillage Victorien ou l'hétérogénéité des mécaniques horrifiques font-il de Crimson Peak le chef d'oeuvre d'horreur de Guillermo del Toro ?
La remarque la plus évidente est que le spectateur néophyte amené en salle dans l'attente du film d'horreur que laissait deviner le marketing va passablement s'ennuyer. Trop codifié peut-être pour installer une angoisse croissante, le film se laisse distraire selon moi par sa forme au détriment du fond. Les passages de complot entre les deux antagonistes qui succèdent à une scène d'épouvante pure participent à une esthétique des plus Shakespeariennes mais empêchent le spectateur de s'accrocher à une vraie peur viscérale, c'est pourtant le point d'orgue de la littérature gothique et que le film revendique comme influence première (dans cette optique je ne saurais vous recommander assez les nouvelles d'Egar Allan Poe).
La réalisation redondante dans les dialogues et le scénario finalement très convenu desservent aussi parfois le film qui pourrait facilement trancher quelques scènes superflues. Si on discerne vaguement les enjeux des antagonistes on a plutôt du mal à comprendre leurs motivations.
** Finalement plus un film de forme et un exercice de style destiné à des fans du genre qu'un film d'horreur conventionnel, Crimson Peak a tout de même le mérite de réussir une prouesse de poésie et de romance gothique tout en empruntant le meilleur du genre dans un film extrêmement bien produit, et en outre, une création originale.
En 2015, dans une industrie Hollywoodienne dominée par les adaptations et les reboots, il est bon de voir que certains auteurs comme Guillermo del Toro peuvent encore sortir des pépites comme Pacific Rim ou Crimson Peak.**
Créée
le 17 oct. 2015
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