En ces temps où l'image de synthèse règne en maître, il est délicieux de constater qu'un film d'un autre âge, celui de la stop motion, continue à en remontrer, allez, à environ 90 % de la production animée de 2017. Oui, même Coco. Pour sûr.
Tout comme Laika, les studios Aardman continuent de nous fournir du tout bon, de l'original, du quasi constant dans la qualité. On passera donc vite sur le seul véritable défaut de ce Cro Man, qui est de servir un spectacle un peu plus orienté que d'habitude vers le jeune public, dans un scénario un poil prévisible, pour vous dire que le spectacle offert et toujours aussi bien. Et annoncé dès les première secondes, qui suffisent pour poser l'univers coloré du film ainsi que la naissance d'un sport à nul autre pareil : le football !
Malgré cette histoire en apparence plus modeste, Cro Man réserve cependant son lot de séquences assez démentielles niveau technique, d'un travelling arrière inaugural superbe à un match final animé de la plus belle des manières. On y retrouve aussi cet humour anglais toujours aussi efficace et malin, ainsi que toutes ces trouvailles astucieuses qui traversent l'écran de manière constante et régulière.
Quant aux multiples références chères aux studios, elles répondent aussi présentes, que ce soit avec leurs personnages fétiches, comme Shaun ou Gromit, les lapins futés du Mystère du Lapin Garou, ou d'autres films, comme les décors de l'âge du bronze, qui font référence à un Mordor très Jacksonien.
Tout cela inonde l'écran avec un bonheur enfantin que l'on prend un plaisir fou à savourer, tout comme la plasticine qui s'anime avec toute la magie déployée par un studio toujours aussi malin, toujours aussi consciencieux et toujours avec cette bonne humeur communicative et contagieuse. Mais aussi, et surtout, cette minutie et cette précision, de celles qui animent les artisans les plus habiles.
Cro Man prend aussi le prétexte de son intrigue afin de livrer une véritable lettre d'amour (pas étonnant venant d'un studio anglais !) à un sport qui, depuis longtemps, n'est plus le simple jeu où le cuir est caressé et flatté. La métaphore est plus ou moins appuyée, mais les aficionados pourront y déceler, en sous texte, la situation de l'Angleterre au niveau mondial, une critique de ces équipes de mercenaires et de ces actionnaires qui inondent de leur argent la sphère sportive, ou encore la rivalité entre United et City, dans la revisite d'une lutte des classes en mode préhistorique drolatique.
Le football ne pouvait dès lors rêver plus belle illustration que celle-ci. Même s'il est moins déjanté que Shaolin Soccer, à l'évidence moins spectaculaire que les cabrioles d'Olive et Tom, Cro Man, par son association improbable de football et de décors de l'aube des temps, s'impose comme une comédie inventive des plus savoureuses et so british à même de combler en ce début d'année le fan d'animation en général.
Behind_the_Mask, classi-cro.