Eisernes Kreuz.
Ne vous réjouissez pas vous les hommes, Car même si le monde s'est levé pour arrêter l'ordure, La putain qui l'a engendré est à nouveau en rût. (Bertolt Brecht) Quoi de plus naturel pour Sam...
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le 9 mai 2013
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J'ai du mal à comprendre la renommée de ce film. C'est un amas de poncifs, de stéréotypes usés à l'extrême, vus et revus des milliers de fois. Qu'est-ce qu'il a de si extraordinaire ?
Entendre des soldats allemands parler anglais, déjà, c'est assez déroutant, même après deux heures de visionnage. Le vocabulaire employé, les expressions, l'attitude des personnages donnent l'impression de voir des soldats américains. C'est même bien le gros problème du film : on ne sent à aucun moment qu'on a affaire à des Allemands en 1943, on ne sent à aucun moment que l'action se situe pendant la Seconde Guerre mondiale. Au-delà des costumes et des armes (où on sent tout de même un certain souci de crédibilité), il n'y a rien qui fasse « ressentir » réellement l'époque et ses enjeux.
Les personnages n'ont aucune crédibilité, ils semblent sortir de nulle part, n'être rattachés à rien, on ne comprend pas qui ils sont. Les dialogues — qui se veulent probablement avoir de l'esprit — sont d'un creux effroyable. Ces échanges sur l'homosexualité ou sur le rang social sont gênants au possible : ils n'ont rien de naturel, ils s'invitent dans le scénario presque sans raison... et pour ne rien dire ! L'idée de l'aristocrate prussien aurait pu être intéressante... si le personnage avait un tant soit peu de relief, de consistance, s'il n'était pas rien de plus qu'un faire-valoir ridicule pour opposer une vieillerie élitiste tout-à-fait mauvaise et un libéralisme américain absolument bon.
Alors, donc ? Que retenir de ce film ? Que la hiérarchie sociale, c'est mal, que violer des femmes, c'est mal, que l'homophobie, c'est mal, que les nazis sont méchants et que la guerre, c'est pas bien ? Bon, nous voilà bien avancés !
Ce ne sont pas nécessairement des thèmes inintéressants, mais, ici, extrêmement mal développés. Tout ce qui pourrait constituer l'intérêt d'un film sur la Seconde Guerre mondiale disparaît derrière une posture soit-disant universelle, qui en dit moins sur l'Allemagne pendant la guerre que sur la bêtise et la naïveté absolues de l'américanisme des années 1970. Je ne comprends pas qu'en tant qu'Européen on puisse hocher la tête sans rien dire, et même trouver bien ou — pire — trouver intelligente toute cette mélasse américanisante, libérale et manichéenne qui dégouline de ce film sans subtilité ni nuance, ou presque.
Il faut reconnaître que les scènes de batailles sont bien fichues — encore que c'est quoi ces soldats russes qui ont tous des têtes d'américains ? bon, je veux bien croire que ce n'était pas facile de trouver des figurants slaves à l'époque, mais tout de même... — et il y a un esthétisme relativement brutal et dur (mais qui ne parvient pas à générer autant de tension que Platoon par exemple) qui sauve à peu près le film, encore que la mise en scène soit parfois assez étrange. Mieux, ce passage incroyable où les Allemands tombent nez-à-nez sur des femmes soldats est, il faut bien le dire, une merveille d'intelligence. Il fait très bien ressentir la déroutante problématique que suppose l'idée-même de femme-soldat , et tout ce qu'elle implique d'ambivalences dans les relations entre belligérants en raison de la nature usuelle des relations entre les hommes et les femmes — mais supposer une telle altérité sexuelle doit probablement être considéré comme affreusement réactionnaire, je suppose. En fait, c'est le seul moment du film où j'ai pu entr'apercevoir le caractère effroyable de la guerre (ou de l'URSS ?), puisque c'était le seul à peu près crédible.
Mais quand bien même, se contenter de dire « la guerre c'est mal » c'est ne rien dire sur la guerre. On ne comprend pas la guerre si on évacue son caractère historique particulier et la sociologie ou la psychologie particulière de ses protagonistes...
Créée
le 22 janv. 2020
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