«Ne vous réjouissez pas de sa défaite, vous les hommes. Car même si le monde s'est levé pour arrêter l'ordure, la traînée qui l'a mis au monde est à nouveau en rut.»


Pouah, quel film dense, de ceux qui vous arrachent progressivement le cœur pour vous laisser sur le carreau, épuisé, malmené, essoré de la moindre parcelle de joie. Croix de fer est une œuvre coup de poing qui emprunte l'autoroute menant à votre pompe à sentiments pour signer un requiem assassin sur la guerre et les hommes qui la rendent possible. Rarement film de guerre n’aura été aussi virulent, mais c'est certainement parce que Peckinpah va bien plus loin que le genre, en disséquant, pendant chaque séquence, la nature humaine et son penchant instinctif pour la violence. Dans cet acte chirurgical se trouve tout l'enjeu de Croix de fer parce qu’il fait la part belle aux hommes qui sont sur le terrain et non aux enjeux qui les mettent en mouvement.


Croix de fer est un film critique avant d’être un film de guerre, tout dans cette pellicule le clame haut et fort. Dans ses images éprouvantes, dans ce sang constamment présent mais encore plus dans le montage très sec qui enchaine les images, sans compromis ni finesse malvenue. Mais aussi, et surtout, à travers ses personnages, dont le porte étendard, un "héros" militaire au tempérament de feu, Rolf Steiner, est une véritable panthère dont le terrain de jeu favori sont les lignes ennemies et le sang qui les jonche. Si ce chien fou est présenté pendant tout le film comme l'une des seules étincelles d’intelligence et de bon sens irriguant les veines d’un front maintenu dans le rang par des œillères, ce n'est que pour mieux brouiller les pistes. Son passage à l'hôpital remet en effet les pendules à l’heure, s’il est le plus apte à la prise de décision sous le feu ennemi, ce n’est pas parce qu’il est plus malin, mais parce qu’il y est dans son élément; pour preuve il n'hésite pas une seconde à rejoindre le terrain au détriment d'un amour naissant, ses hommes ainsi que l'adrénaline du champ de bataille lui manquant trop.


La guerre détruit, la guerre change l’homme. Peckinpah introduit les hostilités par des images d’enfants et finit son film de la même façon après avoir illustré différents chemins de vie possibles. Et pour asseoir son discours, Bloody Sam n’hésite pas à rendre sa pensée cristalline moyennant une citation assez violente entendant que la guerre est une pulsion latente typique de l’humanité. On retrouve ici la noirceur qui caractérise ses films. Car noir, Croix de fer l’est à tous les niveaux. Tout n’y est que crasse et boue, corps inertes et souffrance. Seule la camaraderie, ce sentiment de fraternité qui lie les membres de l'escouade de Steiner, laisse entrevoir une once de positivisme, mais elle est souvent furtive. Le constat en fin de bobine est terrible, peu d'hommes sont à sauver (en fait, un seul ici l’est réellement), et la plupart de ceux qui pourraient l’être finissent tous de la même façon : les yeux clos, la poitrine immobile. Sacré Sam !

oso
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le 23 nov. 2014

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