J'aime les films historiques britanniques parce qu'ils sont un peu comme les nôtres à la même époque, c'est à dire sérieux, crédibles, soignés, et nous avons là une superproduction entièrement britannique, sans capitaux américains, qui traite d'un sujet anglais et qui se hisse à la même hauteur des productions historiques hollywoodiennes. Le film a demandé des années de préparation, un an de tournage, a employé 6000 figurants, 3800 costumes (qui récolteront un Oscar), des décors faramineux construits dans les immenses studios de Shepperton, et le gratin des acteurs anglais comme Robert Morley, Frank Finlay, Patrick Wymark, le jeune Timothy Dalton (qui perçait doucement, on le verra la même année dans le Lion en hiver), Patrick Magee, Charles Gray ou Nigel Stock... dominés par un formidable duo de stars : Alec Guinness qui campe un roi Charles Ier obtus, dont il s'est fait une tête à l'étonnante ressemblance, et Richard Harris en Oliver Cromwell fanatique modéré de la République, c'est l'un de ses plus grands rôles. Je précise qu'il y avait une erreur sur la fiche du film, il ne s'agit pas de Richard Cromwell mais d'Oliver Cromwell, premier grand révolutionnaire anglais qui instaura la République en Angleterre ; grâce à ma remarque, cette erreur a été réparée.
Qu'on ne s'attende pas à trouver un ton épique, il s'agit d'une fresque au service de l'Histoire, qui vaut pour l'intelligence de sa narration sachant décrire avec clarté et éloquence la situation politique de cette époque troublée où s'installa la guerre civile à partir de 1641. Les séquences de batailles ne sont pas aussi spectaculaires que dans certains films hollywoodiens ou même italiens, car elles ne constituent pas l'essentiel de cette période qui s'est surtout jouée autour des débats parlementaires, et en cela, l'argument politique est bien rendu à travers le portrait de Cromwell, sa lente évolution entre l'homme foncièrement démocrate et épris de libertés qui glisse vers les excès de la dictature.
Cromwell n'a pas trop d'équivalent chez nous, disons que c'est une sorte de Robespierre en plus modéré, qui imposa la République contre la monarchie absolue de Charles Ier. Le seul parallèle avec notre Histoire, c'est que les Anglais ont décapité leur roi avant les Français. Je suis quand même étonné que le portrait de Cromwell ne soit pas noirci, je le trouve même un peu trop idéalisé, et pourtant, après son mandat de Lord-Protecteur qui n'était pas tendre et qui a quand même duré une dizaine d'années, il était haï du peuple anglais, et il en était conscient ; j'ai en tête une phrase ironique que j'avais lue dans un bouquin, où Cromwell répondait à un courtisan qui s'étonnait de voir autant de monde l'acclamer : Le jour de mon exécution, il y en aurait bien davantage.
Voici donc une reconstitution soignée et à gros moyens qui montre les forces et les faiblesses d'un système de gouvernement qui est la démocratie en Angleterre au XVIIème siècle, un film peu connu qui mérite d'être vu.