Sûrement l'originalité de la semaine, voire du mois. Un film estonien, tourné dans un magnifique noir et blanc (mais y'a-t-il un film en noir et blanc sortant de nos jours qui ne soit pas qualifié de somptueux ? ) et utilisant un procédé jamais utilisé au cinéma. Une curiosité donc, formellement belle, émotionnelle, réparant un pan de l'histoire un peu oublié qu'est la déportation par Staline de milliers d'estoniens dans des camps en Sibérie.
L'histoire est de celles qui émeuvent ; un couple et leur fillette sont déportés par Staline dans un kolkhose. Erna se trouvera séparée de son mari dont elle n'aura aucune nouvelle. Elle passera les maigres temps libres que lui laissent ses travaux de bûcheronnage, pour écrire des lettres racontant sa terrible existence de déportée.
Le film est de ceux qui étonnent. Tous les moments passés en Sibérie, sont des tableaux reconstitués avec des acteurs(?) figés et parmi lesquels une caméra se promène, illustrant avec force une voix off lisant les lettres. C'est beau, un peu lent. L'oeil a le temps de regarder qui tremblote dans le plan, qui cille des yeux. Les différents tableaux sont par ailleurs hyper bien construits, donnant à voir ou à apercevoir ce qu'Erna n'ose écrire, jamais redondants.
Le film est aussi de ceux qui peuvent lasser. Même si le propos est fort, même si cette mise en image est épatante d'insolite, le procédé a ses limites. Cette caméra se déplaçant toujours à la même vitesse a des vertus soporifiques intenses. On a beau découvrir avec elle des plans tous plus beaux les uns que les autres, une heure vingt minutes de ce traitement peuvent avoir raison de l'état d'éveil d'un spectateur en petite forme. Et si l'éveil est de mise, au bout d'un moment l'esprit devient plus critique. Parfois on est ébahi par certaines postures de statues à la limite de l'équilibre qu'ont du tenir les figurants mais on est aussi dérangé par d'autres, plus forcées ou peu naturelles. Le procédé montre alors son caractère trop systématique, gommant au final un peu de l'émotion que l'on devrait ressentir.
Un peu plus sur le blog
pilyen
7
Écrit par

Créée

le 14 mars 2015

Critique lue 440 fois

5 j'aime

pilyen

Écrit par

Critique lue 440 fois

5

D'autres avis sur Crosswind - La Croisée des vents

Crosswind - La Croisée des vents
AnneSchneider
8

À la croisée des vents, à la croisée des genres, à la croisée des regards.

Une authentique "cinexpérience", sur laquelle on peut porter un regard sévère ou bienveillant. Sévère, en reprochant au film son statisme, qui fait mentir le mot même "cinéma", puisque le...

le 29 avr. 2016

11 j'aime

2

Crosswind - La Croisée des vents
Seventies7arts
8

LA VIE EN SUSPENSION

Après Birdman d’Iñárritu et son quasi-plan séquence de deux heures, sort actuellement sur les écrans français Crosswind : La croisée des vents, un film estonien composé principalement de « tableaux...

le 6 avr. 2015

8 j'aime

6

Crosswind - La Croisée des vents
Maeva_Dorenlot
9

Une photographie ou un film ?

C'est tellement différent de tout ce qu'on a pu voir jusqu'à maintenant (ou du moins de ce que j'ai pu voir). C'est étonnant et presque dérangeant. Pour la simple et bonne raison que c'est très lent...

le 8 mars 2015

7 j'aime

2

Du même critique

Habibi
pilyen
4

Bibi n'a pas aimé

Il y a des jours où j'ai honte, honte d'être incapable d'apprécier ce qui est considéré comme un chef d'oeuvre par le commun des mortels. A commencer par mon libraire spécialisé BD qui m'a remis...

le 1 janv. 2012

35 j'aime

7

Grand Central
pilyen
3

Grand navet

J'ai vu le chef d'oeuvre de la semaine selon les critiques. Hé bien, ils se sont trompés, c'est un navet et un beau ! Cette fois-ci, ils ont poussé le bouchon tellement loin qu'ils risquent d'être...

le 29 août 2013

27 j'aime

18

Les Fantômes d'Ismaël
pilyen
3

Parlez-vous le Desplechin ?

Je le dis d'emblée, je n'ai jamais été fan du cinéma de Mr Desplechin. "Les fantômes d'Ismaël" confirment que je ne parle pas et ne parlerai jamais le "Desplechin" comme se plaît à dire le...

le 18 mai 2017

24 j'aime

1