Etre méchant sans raison, ce n'est plus possible aujourd'hui. Et il faut donc régresser, souvent à l'âge d'enfant, pour sonder le terreau sur lequel les semences du mal ont été semées.
Disney n'échappe pas à cette vision des choses, surtout depuis le succès de Maléfique, qui a montré la voie à suivre. En 2021, c'est donc au tour de Cruella de passer sur le divan, en forme de question simple :
Dis Cruella, pourquoi es-tu aussi méchante ?
Et l'anti-héroïne de s'en expliquer deux heures quatorze durant, dans une énergie assez singulière qui emporte tout sur son passage. Car c'est la première chose que l'on retient du film : cette frénésie à dessiner le personnage et ses aspirations, ses rêves de grandeur et son esprit présenté comme anti conformiste. Avec ce qu'il faut d'émotions, liées au sentiment de perte, d'amitié, en fabriquant une famille de coeur, et d'affrontements avec une Emma Thompson tout droit sortie du Diable S'Habille en Prada.
C'est cette opposition entre divas de la mode que l'on adore détester qui retient tout d'abord l'attention, tant les deux actrices semblent s'en donner à coeur joie, avec une certaine malice qui fait plaisir à voir à l'écran. A l'évidence, le rôle de Cruella va comme un gant à Emma Stone, qui ne se lasse pas s'approprier sa schizophrénie sympathique et ses excentricités capillaires et vestimentaires.
L'oeuvre épouse la versatilité de son personnage central en emmenant son public sur les terrains variés de la comédie pure, du film de casse ou encore lorgnant vers le revenge movie, le tout dans un écrin de choix : celui de la reconstitution du Londres des années 60 / 70 et de ses décors cossus.
Mais ce qui donne un supplément de force à l'oeuvre, c'est sa bande originale convoquant nombre de classiques qui poppent, swinguent et rockent, soutenant les ambitions punk et déjantées de l'entreprise.
De quoi, a priori, accueillir Cruella comme une totale réussite.
Sauf que Disney ne peut s'empêcher d'en faire trop, parsemant son dernier effort de petites choses inutiles comme les apparitions au forceps de Roger et Anita, ou rabotant l'anti-héroïne en la privant de ses fourrures, de son porte-cigarette et de son hystérie... Pas très punk ni révolutionnaire, tout cela...
Mais le plus regrettable, c'est que passée la révélation du film, le dernier quart d'heure semble tourner à vide, comme s'il ne savait plus trop quoi raconter. Défaut d'écriture ou de rythme général du film, cet avatar, si peu important soit-il, empêche cependant Cruella de rejoindre Le Livre de la Jungle ou encore Peter et Elliott le Dragon au sommet des remakes et autres réinterprétations conspuées concoctées par la souris aux grandes oreilles.
Reste cependant un film énergique et fun en forme de plaisir immédiat qu'il serait bête de bouder.
Behind_the_Mask, punk is not dead.