L’auteure Delphine est confrontée au syndrome de la page blanche. Lorsqu’elle fait la rencontre d’Elle lors d’une séance de signature de son ouvrage, elle va trouver en cette admiratrice un alter ego indispensable à sa créativité. A moins que cela ne soit l’inverse. Avec cette trame dont on vous taira les principaux mystères, il ne faut que quelques minutes au spectateur pour comprendre où le scénario souhaite l’emmener. Dès lors, D’Après une Histoire Vraie déroule son intrigue à un rythme de croisière sans surprise et d'une previsibilite pathetique jusqu’à son dénouement. Il est cependant difficile de nier le matériau formidable écrit par Delphine de Vigan (récompensé en 2015 par le Prix Renaudot et Le prix Goncourt des lycéens) car, à l’issue de la projection, une seule chose s’impose : le traitement expéditif, sans tension ni angoisse, de Roman Polanski transforme ce roman troublant en une adaptation d’une linéarité et d’un ridicule confondants. En conférence de presse, le cinéaste a souvent rappelé le manque de préparation de son tournage (neuf mois se sont écoulés entre la première écriture du scénario et le montage final) et des répétitions avec ses acteurs. Ceci explique définitivement cela. Car le surjeu d’Emmanuel Seigner (triste après sa bonne prestation dans La Vénus à la Fourrure) et le minimum syndical d’Eva Green n’aident pas non plus le film à ce niveau. Il y avait matière à traiter leur confrontation sous le signe d’une relation érotique de plus en plus toxique. Mais Roman Polanski n’en fait rien et traite la chose de la manière la plus impersonnelle possible.
A aucun moment, on ne sent que le cinéaste s’approprie le récit, tout juste tente-t-il un parallèle avec sa propre carrière, Delphine étant confrontée au manque d’inspiration et lynchée médiatiquement sur les réseaux sociaux. Un propos vaniteux et présomptueux qui fait du film un exutoire pathétique pour ceux en proie aux affres de la création et frustrés par les critiques, donc autocentré sur les problèmes de l’élite artistique parisienne. Et ce n’est pas la lourdeur du montage ou le score musical d’Alexandre Desplant qui pèse sur chaque scène jusqu’à l’overdose qui vont arranger les choses. Plus tôt dans l'annee, François Ozon explorait les tourments psychologiques de son personnage dans L‘Amant Double avec beaucoup plus d’audace et faisait preuve de créativité dans sa mise en scène pour appuyer et confondre les attentes du spectateur. Ici, Roman Polanski est en mode automatique, soit le même mode utilisé pour les téléfilms diffusés les dimanches après-midi sur les chaînes hertziennes.
Roman Polanski n’est que l’ombre de lui-même avec cette adaptation fade et sans conviction qui tente de renouer avec la dimension psychologique de ses plus grands films (Le Locataire, Rosemary’s Baby). Certains avaient imaginé que la polémique Roman Polanski aux Césars avait été la raison pour laquelle son nouveau film était hors compétition. Il semblerait que la raison soit autrement plus simple puisqu’il était peu probable que Thierry Frémaux se permette de refuser la montée des marches à celui qui a obtenu la Palme d’Or pour Le Pianiste en 2002. Mais la qualité paresseuse du film ne pouvait pas lui laisser espérer mieux qu’une projection en marge de toute compétition, et c’est très légitimement à cette place qu’il a été envoyé. D’Après une Histoire Vraie est assurément ce qui nous a été montré de plus mauvais dans la sélection. Triste accueil pour un cinéaste accompli et généralement plus inventif.
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