Ah, Dallas Buyers Club - un film sur le début des années SIDA et un brûlot contre la FDA et sa collusion avec l'industrie pharmaceutique.

Sauf que c'est quand même un film qui parle du SIDA et qui a un nombre de personnages gays super restreint. J'en compte 3. C'est un film où le héros est blanc et cis et hétéro et c'est lui qui parvient à "sauver" tous ces pauvres exclus et marginaux qui ne sont pas capables de se sauver eux-mêmes.

Le film n'est pas mauvais en soit, comprenons-nous bien, mais il souffre des mêmes travers qu'un film comme "The Help / La Couleur des sentiments", à savoir que les problèmes d'une minorité ne sont légitimes que si elles sont ressenties par un membre de la majorité. C'est un problème assez récurrent dans toutes les luttes pour les droits civiques.

On me dira "mais c'est tiré d'une histoire vraie, donc le héros doit forcément être un cishet blanc". Et je répondrais que le problème n'est pas la nature du héros mais le traitement de ce dernier. Matthew McConaughey (qui joue la même chose, toujours) est la figure centrale du film. Qu'il joue bien, enfin que ça plaise, soit. Mais de là à en faire une figure solaire qui éclipse absolument tous les autres personnages, je dis non. Il faut savoir que même si le film est tiré d'une histoire vraie, le personnage de Woodroof a été modifié pour les besoins du film. On en a fait un homophobe (qui change, ah, miracle !) alors qu'il ne l'était pas autant que le film le laisse entendre. J'ai un vrai problème avec une telle décision, à savoir qu'elle affaiblit le propos en soulignant lourdement que le problème du SIDA est si important, que même un homophobe, même lui, peut changer d'avis sur la question. Mais en faisant cela le film a l'air de dire que seul une personne qui vient d'aussi loin a le pouvoir de changer les choses. Hollywood semble incapable de résister à ce genre d'histoire. Que ce soit en choisissant de les adapter ou comme c'est le cas ici, en altérant la réalité pour en faire ce qu'il considère être une bonne histoire.

Les personnages secondaires (joués par Jared Leto et Jennifer Garner) sont des stéréotypes sans grand intérêt qui sont à nouveau des amalgames de personnages existants. Jared Leto joue très bien, mais il ne suffit pas à invalider les débats et critiques que son choix pour le rôle ont fait naître. Qu'apporte-t-il de plus qu'un acteur trans ? Ajoutons à cela le fait que le personnage soit relativement transparent (comment s'appelle son copain ?), que ses amis le mentionnent au masculin après sa mort et on a là un traitement d'un personnage trans que j'ai trouvé irrespectueux. En plus, quand on sait que c'est un personnage écrit pour les besoins du film, je trouve d'autant plus injustifiable d'avoir fait un boulot aussi approximatif dessus. Jennifer Garner est quant à elle l'inévitable "love interest" du héros. Elle apporte aussi une touche médicale au film en montrant que tous les médecins ne sont pas des ordures. À part cela, son amitié avec le personnage de Jared Leto sonne incroyablement faux "He was my friend too!" (ah oui, depuis quand ?) et semble répondre plus aux besoins du scénario qu'à quelque chose d'organique.

Bref, il y avait une histoire intéressante : la lutte d'un homme contre la FDA aux premiers jours de l'épidémie. Au lieu de ça, Hollywood a rajouté par dessus une histoire d'amour, la transformation d'un homme et des personnages secondaires sans substance mais qui donnent aux acteurs d'Hollywood le frisson de jouer quelque chose de différent.
Hameçon
6
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le 17 juil. 2014

Critique lue 225 fois

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