"Quand j'étais à l'usine je rêvais que j'étais dans une comédie musicale car dans une comédie musicale, rien d'affreux ne peut arriver" nous dit ici Selma interprétée par Björk. Or, par son long-métrage vif, cru et brutal, le coauteur du Dogme 95 s'efforce de faire tout le contraire. Cette oeuvre embrasse pleinement le pathos et le chemin de la tragédie grecque qui va mener le personnage principal à l'inévitable potence. Seules les scènes de chanson réussiront à échapper à la cruauté du réalisateur. Il va d'ailleurs en profiter pour y exposer les rêveries contemplatives de la mère, qui ont lieu même dans les moments les plus critiques. Nous retrouvons également la façon très propre au Danois de manier la caméra avec presque exclusivement des plans fixes et des personnages propres aux fictions trieriennes avec d'un côté Jeff, l'éternel amant déçu et de l'autre le monstre dégoutant Bill Houston que nous retrouvons trois ans plus tard dans Dogville. Selma est ici le modèle de la conduite pascalienne, "Le moi est haïssable". Pourtant, elle va réaliser qu'un seul écart par une action égoïste, mettre au monde un enfant. C'est dans ce seul geste, qui se passe en dehors du film, que réside la clé du processus narratif qui va mener le protagoniste à la mort.