Cette "critique" ne concerne pas directement le film. Libre à vous de juger les éventuels points communs entre ce texte et l'auteur. Ce récit est une fiction.


Il y a dans ma vie une logique constante. Le désir d'être aimé. Le besoin d'être aimé. D'être constamment rassuré sur ce que je ne suis pas, et sur ce que je pense, peux être. Je suis un être extrêmement compliqué. Extrêmement fragile et extrêmement loin de tout. Je crois que je désire être aimé surtout pour avoir la certitude que mon cœur bat toujours, et après toutes ces années si il est encore capable de supporter la vie. Je vois partout autour de moi des gens qui sont aimés facilement, qui sont "aimables" facilement. J'aimerais être comme eux. J'aimerais que tout soit si simple, et qu'il me suffise d'être moi-même pour être considéré et apprécié à ma juste valeur. J'aimerais être comme ces amis d'amis, à qui tout semble réussir, qui me donnent l'image d'une vie remplie d’événements, de personnes, d'amour. Je pourrais peut-être avoir tout ça. Je ne suis pas un monstre, pour les autres. J'ai une famille, des amis, un travail, des collègues, des animaux de compagnie. Alors pourquoi est-ce que je me sens si seul quand je suis chez moi et que je lève les yeux vers le ciel, à travers la fenêtre ?


J'ai besoin d'être aimé parce que c'est devenu ma façon à moi de me survivre. Le regard des autres est devenu, au fil des années, mon propre regard sur qui je suis. Je n'existe pas sans les gens qui me considèrent. Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça, mais je le suis depuis mon adolescence. Je n'ai pas l'impression de vivre, comme les gens dans le train, comme les gens qui habillent mon quotidien. J'ai l'impression d'exister que lorsque l'on me donne de l'intérêt. Qu'être, par moi-même, m'est impossible. Je ne sais pas ce qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Je ne sais pas si je suis une bonne ou une mauvaise personne. Si ma vie a de l'intérêt sur Terre, et si cherche vraiment à être épanoui. Avec le temps, je commence tout juste à comprendre ce qu'est le vide. Je sais que j'en suis rempli. Je le sais car quand on me donne un peu d'attention, j'éprouve quelque chose. Je me sens réel et j'ai un but dans la vie ; la personne en face de moi. Un sourire me comble. Une question sur ma vie me comble. Un regard amical me comble. Une mère qui me dit qu'elle pense à moi me comble. Une étreinte amoureuse me comble. Un message bienveillant sur internet me comble. Je suis là et j'existe quand l'autre me montre que je suis là et que j'existe. Et j'ai la douloureuse, si douloureuse impression que personne ne peut le comprendre. Que tout le monde est apte au bonheur et à l'épanouissement. Je sais que ce n'est pas le cas, mais je me sens si étranger du monde qui m'entoure que mon esprit vacille inexorablement ; je ne suis pas comme vous, j'en ai la certitude.


Alors que faire de ce constat ? Est-ce qu'on peut le régler avec de la psychanalyse ? Est-ce que quelqu'un peut me dire comment aller mieux en suivant des cours qu'il a appris, en faisant des erreurs, en omettant simplement le fait que je suis une personne à part entière, comme tout le monde, mais aussi une personne à part entière, comme personne ? On me dit d'aller mieux. De sortir, de retrouver les petits plaisirs de la vie. Je ne les ai jamais connus. J'ai toujours en moi cette voix qui me ramène à ma propre exclusion. Je ne mérite pas d'être comme tout le monde car je ne m'investis pas. Car le plaisir du quotidien, ça ne fonctionne pas. Une lumière dorée s'étale sur les rideaux de ma chambre. Elle est belle, elle est pure et elle me fascine. Elle est ce que j'ai de plus cher au monde, actuellement. Elle est ma raison de vivre. Puis je vais voir mon père. Il va être ma raison de vivre, lui aussi. Je vais faire semblant. Semblant que tout va bien, semblant d'être le rigolo de service, semblant de dire que j'ai des hauts, des bas, comme tout le monde. Tout allait mal. Et tout continue d'aller mal. Je dis que je suis différent, et que je suis seul. Je ne suis pas seul. Je ne suis plus seul depuis certaines rencontres. Des gens vivent la même chose que moi. Mais je crois que ce n'est pas une raison suffisante pour que je m'attache à la vie. Pour moi, elle ne vaut pas grand chose. On m'a jeté dedans, on m'a fait du mal, et je dois me débrouiller avec ce que j'ai. Je dois me dire que, tu sais, la vie on n'en a qu'une, la vie c'est précieux. On est tous là par hasard, personne ne l'a choisi. Je n'ai pas choisi de devoir me battre pour être heureux. Je n'ai pas choisi de devoir me faire une place dans un monde où je ne me sens pas moi-même. La vie est une montagne de souvenirs épars que l'on ne cesse de descendre.


L'amour me donnait l'illusion d'être enfin quelqu'un. C'était un reflet différent de ce que j'avais toujours connu. Une autre manière d'appréhender les douleurs du quotidien. Je ne veux pas me plaindre. Quand on voit des âmes effondrées en vrai, on n'imagine souvent pas un seul instant à quel point elles sont dans un sale état. Beaucoup de gens pleurent pour une perte, une rupture, un échec. Je pleure de ne pas être comme tout le monde. Je pleure de voir ma mort comme un échappatoire, comme une porte de sortie si jamais mon état venait à s'empirer. Tu vois, tu ne souffriras jamais trop, car si c'est le cas, tu pourras en finir. Tu as cette possibilité. Personne ne s'en sera rendu compte, à l'ombre de tes sourires. Tu en as bien déjà parlé, à certaines personnes, mais on ne prend jamais ça au sérieux. Avoir de la peine au point de le dire, tout le monde peut le faire. Mais qui préfère choisir la mort à la vie ? Faut-il être lâche pour renoncer à sa propre existence ? Ne peut-on pas se poser, tous les deux, afin que tu comprennes que ma place n'est simplement pas ici ? Pourquoi on m'a aimé, si longtemps, puis on m'a tourné le dos ? Alors que j'aime toujours. Alors que je donne toujours. Parfois, je me dis qu'ils ont de la chance que je sois si intense et brûlant dans mon amour. Elle a eu de la chance. Quand on tire un trait sur quelqu'un, ça devrait être pour quelque chose de grave. Rompre est un abandon à l'amiable. Ce n'est pas compréhensible pour moi. Je l'ai déjà vécu, et je l'ai déjà fait vivre. Mais ce n'est toujours pas compréhensible. On devrait aimer, pour toujours. Parce que tant donner, et tant reprendre, ce ne sont pas des choses humaines. La douleur qui en découle est totalement stratosphérique. Elle brûle tout ce qu'on est et tout ce que l'on croyait être. Ne plus être aimé ne devrait pas exister. Surtout pour quelqu'un comme moi, qui ne base son ressenti que sur le ressenti de l'autre. Surtout pour quelqu'un de si fataliste sur son avenir.


Les souvenirs font mal. Ils blessent, désenchantent, désinhibent la haine de soi. Elle devient violente, incontrôlable, délirante. Aucun souvenir que je ne pourrai jamais plus revivre est heureux en amour. Qu'il s'agisse de mes premiers émois ou de mon étoile morte. Je n'ai que de la peine à revoir, avec mélancolie, qu'une fois j'ai été aimé incroyablement fort, et qu’aujourd’hui je n'existe plus. Alors je me promène, sur les bords de mer, je regarde l'eau s'étendre à perte de vue et j'imagine qu'il n'y a pas vraiment de raison à tout ça. Qu'il n'y a pas vraiment de raison de vivre, d'objectif à atteindre ; et quitte à être là, autant essayer d'être heureux. Je suis quelqu'un qui ne va jamais vers les autres. Qui a peur, peur de me montrer aux autres, peur de montrer ma personnalité, de la divulguer, comme s'il s'agissait d'un secret inestimable. Alors je me fonds dans la masse, je ris quand il faut rire, je parle quand cela nécessite une réponse. Et j'attends qu'on m'aime, j'attends égoïstement que l'on me donne une raison de plus pour ne pas décrocher totalement, pour ne pas me laisser emporter par la souffrance que j'ai d'être incompris par le monde entier. On reste, pour sa famille, pour ses amis, pour ne pas les imaginer pleurer des années. On reste pour aller au cinéma avec untel, pour aller au restaurant avec untel et passer un moment de sourires. On reste parce que l'on espère que l'avenir sera meilleur, et qu'un jour on ne se posera plus autant de questions. Qu'un jour enfin, on ne se demande pas si la vie vaut la peine d'être vécue, mais que l'on se contente de la vivre, et de la vivre pour soi.


Je serais bien incapable de montrer qui je suis en vrai. Internet me permet d'être ce que je ne peux pas être en vrai : quelqu'un. Ce serait mon rêve absolu, ma réalité fantasmée, que d'être un meilleur fils, un meilleur petit fils, un meilleur ami et un meilleur inconnu. Que vous m'abordiez avec douceur et chaleur, parce que je vous donne une image positive de ce que je suis en moi. Ce serait ma victoire. Exister pour les autres, exister par moi-même pour les autres. Peut-être que c'est pour cela que je quémande souvent de l'attention. Il ne faut pas m'en vouloir. Imaginez un lieu dans la pénombre, vous chercherez la lumière pour vous prévenir des dangers. Je tâtonne sans cesse dans la vie. Je ne sais pas où me placer, qui être, quoi dire. Une rupture n'est pas évidente, car elle annihile totalement le chemin parcouru jusque là. On se retrouve seul face à soi-même, et le bilan est médiocre. On ne mérite plus d'être aimé, et on perd la a volonté pour parvenir à être aimé. C'est un cœur pansé qui tombe d'une falaise. Les progénitures, les rêves, le parcours professionnel, tant de choses qui nous font nous redresser la tête, et garder un cap. Redresser la tête est une longue épreuve, d'autant plus lorsqu'elle ne s'est jamais levée.


Je vois des femmes et je suis content pour elles. Je suis content qu'elles soient belles, qu'elles soient laides mais qu'elles existent simplement. Elles se permettent d'exister. Peut-être ressentent-elles le même malaise. Peut-être ont-elles, comme moi, tellement besoin d'amour, amical, passionnel, familial. Peut-être qu'elles sont épanouies, heureuses à ne plus savoir quoi en faire, au bord de la dépression ou du suicide. Parfois, je n'ai plus du tout envie de mourir. Ce sentiment que j'ai depuis le début de mon adolescence va et vient, il n'est jamais définitif, dans un sens ou dans l'autre. Ca peut être mon dernier message comme ça peut être le premier d'une longue série qui s'achèvera à l'aube de mes 120 ans. Je regarde ces femmes et je suis content pour elles, car elles sont belles d'être en vie. Elles ne savent pas que je suis heureux pour elles d'être en vie, et de marcher à côté de moi. Elles me remplissent de tendresse, parfois. Elles sont là, elles ne se soucient pas de moi mais je me soucie d'elles. Une femme dans une boulangerie, un supermarché. Parfois une, parfois toutes. Parfois sur internet, parfois je parle simplement parce que ça me fait plaisir que la personne soit en vie, qu'elle ait des goûts, qu'elle s'épanouisse. Quand je viens vous parler, c'est que je vous aime terriblement, au plus profond de moi. Quand je ne le fais pas, j'attends simplement que vous me fassiez ressentir la beauté du monde, dans un simple bonjour. J'attends une reconnaissance de l'autre, un amour pur et instantané. Je veux que vous vous épanouissiez. Ce n'est pas mon cas, mais la vie par procuration m'amène souvent des sentiments quasi-identiques à ceux de la personne. Et ça me rend heureux. Et d'autres choses me rendent heureux. Et ma mère qui ne sait pas que je pense à la mort, qui est dans l’insouciance, dans l'ignorance, et qui m'aura toujours, et je l'aime de m'aimer, je l'aime de vivre et d'avoir son petit quotidien, sa petite vie, sa petite maison. Elle est là. Les gens que j'aime sont là. Vous me lisez, vous êtes là, vous partagez ce moment avec moi. Et c'est tout ce qui compte. Je vis pour ça. Pour ce qui compte.


Alors, pourquoi ne pas se battre un peu, finalement ? Pourquoi cacher derrière mes sourires ma peur de ne pas m'en sortir ? Pourquoi abandonner alors que je fais tant d'efforts contre moi-même ? A contre-courant, sans jamais disparaître vraiment. Parce que la vie peut m'être insupportable, très souvent, comme elle peut m'être somptueusement attachante et attirante, je ferai en sorte de devenir meilleur, sans cesse, et de ne jamais répondre favorablement à l'appel du lâcher prise. Je ne suis peut-être pas différent. Je suis juste un peu cassé. Comme beaucoup, je cherche une évidence là où il n'y a que des doutes et de l'inconstance. Je ne suis ni différent, ni semblable, j'essaie simplement d'avancer dans la meilleure direction pour moi. Je ne fais pas les bons choix. Je n'ai pas les bons comportements. C'est comme si je devais m'excuser sans cesse de ne pas être moi, de ne pas être ce que je suis, seulement un mécanisme que j'ai appris à renforcer avec le temps. Alors, je vous le dis. Si je vous ai aimé un jour, je vous aime encore. Si je ne vous le dis pas, prenez-moi pour acquis. Car il n'y a rien en moi de plus authentique et de plus infini que ma tendresse à votre égard. Je ne sais pas m'y prendre, avec les humains, mais je promets de faire de mon mieux pour vous prouver que ma maladresse et mon sens aigu de la dissimulation n'est rien d'autre que la carapace d'un type totalement déconnecté des enjeux de la vie. Je peux être quelqu'un de bien, quelqu'un d'intéressant, quelqu'un qui compte. Je te le promets. Même avec mes blessures, même avec mon chagrin. Je peux être quelqu'un pour toi, et pour moi. Prends le temps de faire le premier pas. Un jour, je le ferai aussi. Je sais que j'ai les ressources nécessaires pour être, à tes yeux. Alors toi, au travail, au quotidien, sur internet, sache que je t'aime, et que ça ne faiblit pas. Nous n'avons pas le même langage, mais vois dans mon âme comme j'ai envie de te plaire.


Je n'aime pas plus la vie que lors de mes 15 ans, mais je conçois enfin qu'il peut y avoir de la lumière à l'ombre des sourires. Peut-être pas maintenant, peut-être jamais, mais je veux y croire, et j'y crois. J'y crois. Et si elle est partie, d'autres reviendront. Pas meilleures, pas semblables, différentes. Je veux connaître ça à nouveau avant de mourir, rien qu'une fois. Je veux quelque chose qui compte à nouveau. Oui, je crois que j'y ai le droit aussi.

EvyNadler

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