You just did what you have to do
Quelle bonne idée d'avoir marié le (mélo)drame avec la comédie musicale, deux genres pourtant à priori inconciliables ! Il en résulte une œuvre superbement contrastée, tour à tour pleine d'espoir et de fatalité, à l'image du personnage de Selma, mère-enfant naïve, attachante et monstrueuse, portant les traits d'une Björk inspirée, qui nous livre une interprétation mystique et habitée. Elle est sublime.
Sublime est aussi la mise en scène de Lars von Trier, avec son montage épileptique. Le film apparait particulièrement sec, brut, et totalement radical. Mais il est aussi traversé par des séquences musicales très oniriques qui sont comme des instants suspendus et libérateurs, permettant à la fois de ménager le spectateur et de rehausser le drame.
Et puis ces couleurs… Elles m'ont fait un peu penser aux teintes des photos de Saul Leiter. D'un chromatisme atténué, nimbant ainsi l'histoire d'un tendre voile de nostalgie, elles deviennent éclatantes dans les parties musicales, quand le rêve prend le dessus.
L'histoire monte progressivement en puissance, ce qui la rend toujours captivante. On s'enfonce dans le noir et le drame en même temps que Selma perd peu à peu la vue, jusqu'à atteindre un niveau de violence à la limite du soutenable...
Mais c'est ça le cinéma de Lars von Trier, un cinéma de l'extrême. Extrême dans sa cruauté et sa beauté, il ne nous laisse pas le choix. Déterminé dans son propos, avec ici une critique virulente des conditions de travail de l'Amérique libérale et de ses injustices sociales.
Démesuré aussi, et démonstratif, sûrement. Certains penseront qu'il en fait trop.
Je pense que quand c'est beau, ce n'est jamais trop.