Avant de commencer la lecture de cette critique, je vous conseille fortement d'avoir vu le film en question.
Dancer in the Dark c'est cette claque monumentale qui transcende l'âme et foudroie le cœur. L'oeuvre qui exerce, sur son spectateur, son pouvoir de persuasion en le mettant à nu, le pliant, le contorsionnant, le tordant. C'est la manière d'opérer de Lars Von Trier , elle en repousse certains et créée la plus grande admiration des autres, quoi qu'il arrive les goûts sont subjectifs.
Dancer in the Dark s'élève clairement au rang d'expérience, c'est quelque chose que l'on vit, qui s'imprègne en nous et qui nous étouffe pour nous apprendre à sûrement mieux apprécier les moments de liberté qu'il nous offre, par le biais de la musique. Car, en effet, Dancer in the Dark c'est le film hommage de Lars Von Trier aux comédies musicales, et c'est sa façon de faire une comédie musicale, avec une originalité et une inventivité sans limites. Lars Von Trier sait capter l'essence qui fait vibrer notre âme et que possèdent les bonnes comédies musicales, pour la placer justement dans son Drame.
Le travail qu'accorde Lars Von Trier à son personnage féminin est exceptionnel lui aussi, déjà il est magistralement interprété par Björk qui joue son rôle à la perfection. Jamais une actrice ne m'aura autant transcendée, la magnificence de l'interprétation de Björk pour son personnage est tellement parfaite qu'elle touche forcément. On accompagne Selma tout le long du film, si bien, que chacune des épreuves qu'elle vit nous la vivons de la même façon, l'accompagnement, la traversée, l'épopée que nous vivons est tellement intense qu'elle fait immédiatement disparaître la frontière imposée par l'écran et nous projette directement dans l'univers du film, il n'y a pas de distance entre le spectateur et le film ( et les personnages de celui - ci ). Le personnage de Selma ne peut être qu'attachant de toute manière, que peut - il y avoir de plus attachant qu'une mère ? Une femme qui se dévoue entièrement à son enfant, allant jusqu'à faire le sacrifice ultime allant par delà sa propre personne, repoussant la possibilité de connaître l'amour ( un amour semblable à celui que vit Bess dans Breaking the Waves ) pour assurer à son enfant une vie décente, lui livrant en tout cas les clés pour qu'il en ait une. C'est certainement le personnage qui a le plus de mérite. Certains spectateurs trouvent d'ailleurs que ce personnage semble idiot, Selma n'est pas une idiote, elle réfléchit méthodiquement chacune de ses actions afin qu'elles soient favorables à son enfant, ce qui prouve qu'elle pense et qu'elle est capable d'une profonde réflexion qu'elle cache en revanche aux autres. Mais cet aspect un peu idiot peut aussi être justifié par le fait que Selma est un être pur, elle est la représentation physique de ce qu'est un être pur, une représentation de la pureté absolue entachée par la noirceur du monde et de ceux qui le composent et dans lequel elle se trouve, malheureusement. La pureté de Selma peut aussi être démontrée par ce don qu'elle possède, celui de transformer la dure réalité en la magnifiant, lui permettant aussi de rendre son quotidien plus beau, plus poétique, à la hauteur des comédies musicales qu'elle admire. Cette force magique que Selma a en elle, lui permet d'apporter de la beauté dans toutes les situations, même les plus horribles et les plus éprouvantes. Graduellement, Selma se construit un Empire Onirique Musical ou elle traduit la tragédie de sa situation, donnant un point de vue très intime des choses, parlant de ses craintes et parlant librement de ce qu'elle pense de tout ce qui lui arrive. Ce qui permet ainsi, à la fois à Selma mais aussi aux spectateurs de pouvoir respirer et de saisir ces pauses oniriques pour appréhender ce qui va suivre et surtout contempler la beauté et la façon que Selma a d'enchanter le réel en l'évoquant de son point de vue.
Sur le plan technique, le film repousse la plupart des spectateurs, là aussi. On reconnait en effet l'esthétique expérimentale de Lars Von Trier qui innove à chaque fois :
Ce Sépia contrasté par le Bleu très intense dans The Element of Crime.
Ce Noir & Blanc spécial dans Epidemic, auquel s'ajoute le titre du film durant tout le film.
Ce mélange entre Noir & Blanc et Couleur dans Europa.
Cet esthétisme indéfinissable dans Medea.
Et le ton sépia ( moins violent que dans The Element of Crime quand même ) en caméra épaule ( moins violente dans ses mouvement que dans Dancer in the Dark ) mise là aussi en contraste avec des cartons annonçant les chapitres très colorés et sublimement bien travaillés dans Breaking the Waves.
Toutes ces citations sont la preuve d'un réel travail que fait Lars Von Trier sur son Esthétisme, recherchant l'innovation, mais pas sans réflexion derrière, car, il y a Toujours un réel travail de réflexion dans les films de Lars Von Trier ! L'esthétisme de ses films se font échos ou diffèrent, quoi qu'il arrive cet esthétisme s'adapte toujours à l'histoire du film.
Et Dancer in the Dark n'y réchappe pas. En effet, l'image est en sous - exposition, les mouvements de caméra sont brutaux. L'image est agressive et au début, on ne comprend pas vraiment pourquoi Lars Von Trier nous fait endurer ça, seulement, lorsque Selma ( notre personnage principal ) nous fait l'aveu de sa maladie. Tout prend son sens, nous voyons comme Selma, perdant progressivement la lumière, l'image s’obscurcissant toujours plus, à l'image de l'avenir de Selma.
Je ne partirais pas dans une analyse ou une quelconque explication de Dancer in the Dark car le découvrir, le redécouvrir et l'analyser est un vrai plaisir, qu'il vaut mieux expérimenter par soi - même.
Je me contenterai seulement de préciser quelques éléments :
- Le film possède plusieurs niveaux de lecture.
- C'est un film optimiste que Lars Von Trier nous livre ici, cependant, cet optimisme est accompagné de la vision Misanthrope de son auteur. En établissant une vive critique du monde et de son fonctionnement et en nous soumettant à sa vision Misanthrope il est normal que l'on arrive ( peut être ) pas tout de suite à voir cela.
Je conclurai cette critique en évoquant le fait que ce film, n'est pas qu'un film que l'on regarde comme ça. C'est un film que l'on admire et que l'on contemple. Une Expérience totale que l'on éprouve, une Expérience réelle qui nous possède totalement, contenant pleins de subtilités.
C'est une Oeuvre d'Art un Chef d'Oeuvre, la première Palme d'Or de notre siècle.
Sûrement la plus belle expérience cinéphile de ma vie (avec Nymph()Maniac), autant qu'elle aura été la plus dure. Une expérience d'une intensité émotionnelle sans précédent et sans égale.