Ce film a quelque-chose pour lui, indéniablement.
Très rapidement l’atmosphère de ce pays d’Amérique latine au bord de l’implosion, déchiré entre son Etat post-colonial fantoche et son arrière-pays bouillonnant, fait mouche.
Le pays n’est pas nommé et au fond c’est tant mieux. Quand bien même l’inspiration du Pérou de l’époque du Sentier lumineux parait évidente (et d’ailleurs revendiquée) il se dégage un charme réel au fait qu’on ne sache pas exactement où on se trouve ni véritablement quand. L’aspect surréaliste n’en est que davantage développé, appuyé en cela par un mysticisme amérindien savamment exploité. De même cette absence de localisation précise permet aussi qu’une porte vers une apocalypse politique imaginaire soit rendue possible dans l’imaginaire du spectateur.
Ajoutons à cela le fait que la réalisation de Malkovich sache se faire sobre et moite, et qu’en plus de cela l’auteur a eu la présence d’esprit et l’audace (pour une production étatsunienne) de tourner l’intégralité du film en Espagnol et on obtient là tous les ingrédients pour profiter d’un film racé et captivant.
Mais si le film parvient globalement à tenir la corde pour tout ce qui relève de la montée en tension progressive de son intrigue, malheureusement il s’emmêle vite les pinceaux en voulant brasser trop de poncifs du genre. Et si certaines lourdeurs liées à l’intrigue policière passent encore, cette dernière va néanmoins se retrouvée sabotée par des enjeux amoureux très mal exploités – qui paraissent toujours parallèles aux véritables enjeux du film – et qui en plus viennent totalement saborder la révélation finale.
Parce que bon on ne va pas se mentir…
…apprendre que depuis le départ Ezéquiel se planquait dans l’appartement situé juste au-dessus de celui de Yolanda, non seulement ça fait « deus ex machina » sorti de nulle part (sur une population de plusieurs millions d’habitants, il faut que le héros tombe amoureux de la meuf qui – comme par hasard – planque son ennemi. Oh bah quel hasard dites donc !), mais en plus je trouve que ça n’importe strictement rien à l’intrigue. OK, ça emmerde Agustin parce que du coup il doit coffrer la femme qu’il aime mais au-delà de ça, quel intérêt ?
En fait, qu’on apprenne que Yolanda était en fait une dangereuse révolutionnaire, je trouve que ça n’apporte rien à la compréhension du personnage et que ça n’enrichit en rien notre perception de la situation. Ce n’est pas comme si le héros en était tombé amoureux en sachant qu’elle était dissidente. Mieux encore, ce n’est pas comme s’il était amoureux d’elle parce qu’elle était dissidente – un peu comme le personnage de Wiesler tombe en admiration devant Georg au point de vouloir le sauver dans « La vie des autres ». Non, la dans « The Dancer Upstairs », c’est juste une histoire de malchance. Il a fallu que la nana dont le héros était tombé amoureux – et qui n’avait rien à voir avec l’intrigue politique pendant les trois-quarts du film ! – se révèle au final être dans le mauvais camp. Non seulement c’est mal exploité mais en plus ça fait totalement artificiel. Même en termes de symbolique je n’arrive pas à voir ce que ça apporte. Bref, c’est le mauvais choix par excellence…
Du coup, il y a clairement quelque-chose de frustrant dans ce film.
D’un côté j’aurais envie de dire qu’il ne mérite pas d’être si peu connu car il est pétri de qualités et bonnes intentions, de l’autre je me dois bien de reconnaître qu’il n’arrive pas à transformer l’essai et qu’il laisse sur une terrible impression d’inachevé ; de film bancal.
Alors si le hasard vous met un jour ce « Dancer Upstairs » sur votre route ne le fuyez pas car il saura vous nourrir à sa façon. Par contre, de la à conseiller un détour pour le voir, c’est un pas (de danse) que je n’oserais faire…