Quand en 1984 arrive sur les écrans de Hong Kong, Long Arm Of The Law, le film fait l'effet d'un pavé dans la mare ! Le box office local est alors occupé par les comédies grand publique made in Cinema City et autres films d'action comiques à la Samo, normal dans ces conditions que le polar réaliste, noir et quasi social de Johnny Mak ne passe pas inaperçu. Son succès commercial engendrera, comme il se doit, une descendance abondante dont fait partie ce Danger Has Two Faces réalisé l'année d'après. Produit par une Shaw Brothers dont la division cinéma ne parvient pas à renouer avec le succès, le métrage est confié à Alex Cheung qui 2 ans auparavant avait déjà échoué avec sa comédie science fictionnelle, Twinkle Twinkle Little Star. Danger Has Two Faces n'allait malheureusement pas lui faire renverser la vapeur...
Tout comme pour son film précédent, Alex Cheung doit travailler avec un scénario boiteux. Son intrigue a beau mélangé présence d'un mystérieux tueur à gages, gang de mainlanders (influence de Long Arm Of The Law la plus évidente) et taupe dans la police, l'ensemble a du mal à tenir debout. Le déroulement de l'enquête, surtout, accumule les grosses ficelles pour progresser (inspiration subite, message laissé on ne sait comment) et les motivations des personnages sont souvent floues (le personnage de Kirk Wong) quand elles ne sont pas tout bonnement inexistantes (Chu Kong).
Cela pourrait encore passer si Alex Cheung ne tombait pas dans le piège de la comédie. A croire qu'il ne s'était pas remis de son travail précédent sur Twinkle Twinkle Little Star ! Résultat : Il alterne constamment scènes sérieuses de polar avec des séquences à quiproquos ou autres gags de base. On n'a pas trouvé mieux pour désamorcer l'ambiance noire et dramatique d'un bon polar... D'autant plus rageant que le bougre s'en sort beaucoup mieux dans ces moments policiers, que ce soit dans la préparation du mystérieux assassin ou bien dans la description des tensions qui agitent la vie du commissariat.
On ne peut que s'interroger sur les raisons qui ont motivé l'intrusion de ces éléments comiques complètement hors de propos. Viennent ils du scénario ? Difficile à croire. Le but affiché du film est d'être dans la lignée de Long Arm Of The Law qui se caractérise par son sérieux total. D'autant plus qu'au moment du tournage, Alex Cheung aurait pu aisément se débarrasser de ces séquences, tradition Hong Kongaise de refaire les scénarios au moment du tournage oblige. On peut donc penser que la décision vient de plus haut, d'Alex Cheung lui-même ou de la production, afin, vraisemblablement, de toucher un public plus large. Une décision en tout les cas hautement malavisée.
Le film se rattrape heureusement sur ses sympathiques scènes d'action tirant vers le gore. Servies en quantité raisonnable, mises en scène avec énergie, elles sont à la hauteur des autres polars noirs des années 80. Une bonne référence donc ! Le final est tout particulièrement jouissif, nous délivrant même quelques idées barrées (l'attaque des plongeurs pour ne citer qu'elle) dont seul HK a le secret.
Les acteurs permettent aussi de tirer le film vers le haut, compensant en partie les défauts précédemment relevés. Leung Kar Yan est tout particulièrement charismatique avec son blouson en cuir et sa « tough guy attitude ». Davantage de temps de présence n'aurait pas fait de mal mais en l'état sa présence fait déjà beaucoup pour le film. Chu Kong de son coté est comme toujours impeccable dans son rôle à mi chemin entre celui de The Big Heat et Once A Thief. Bei Cheung est l'autre premier rôle du film. Visiblement engagé afin d'apporter du sang neuf à la Shaw, il s'en sort bien tout au long du récit.
Film inégal, frustrant sur bien des points, Danger Has Two Faces présente heureusement suffisamment de bonnes choses pour que sa vision ne soit pas ennuyeuse.