Daniel, adaptation du livre The Book of Daniel d'E.L. Doctorow, permet à Sidney Lumet de se pencher sur le parcours d'un frère et d'une sœur qui vont voir leur vie basculer suite au décès de leurs parents par chaise électrique dans les années 1950, accusés d'avoir livré des secrets à l'URSS.
Sidney Lumet met en scène un drame familial très fort, où il va surtout mettre en lumière le destin de Daniel, qui va grandir sans ses parents et voir sa sœur peu à peu sombrer suite à cela. Le metteur en scène de Serpico alterne entre deux époques, et va s'intéresser à l'affaire tournant autour des parents par le biais d'une enquête du fils, qui va tenter d'éclaircir cela, alors que les preuves étaient très minimes à l'époque, principalement axées autour du témoignage d'un dentiste.
En étudiant cette relation entre parents et enfants, ce qu'il refera brillamment dans A Bout de Course, il se penche aussi sur cette période sombre des Etats-Unis et, comme dans l'ensemble de sa filmographie, s'interroge sur les institutions et la démocratie de ce pays. Ici, il le fait avec justesse et sans lourdeur, toujours dans le cadre de la vision du fils et c'est avec une grande émotion qu'il le fait, exploitant à merveille une immense qualité d'écriture et sachant donner une vraie profondeur à ses personnages et enjeux, menant son récit avec talent, et nous faisant prendre conscience de la gravité du sujet et le contexte de l'époque, sans jamais être larmoyant.
La force du film tient aussi dans son atmosphère, tour à tour intrigante et bouleversante mais toujours puissante et immersive, nous donnant l'impression de plonger dans la vie de Daniel et d'enquêter à ses côtés. Il y a aussi une sensation de temps qui passe et de réflexion sur la vie, ses dilemmes ou encore sa difficulté, l'importance et les conséquences de nos actes, vivre avec un passé lourd ainsi que la mélancolie et les souvenirs d'enfance. Tout cela, Lumet le traite avec justesse et sincérité, proposant aussi richesse et émotion par ce prisme, avec de nombreuses séquences fortes ainsi qu'une parfaite exploitation du cadre et des époques.
Dans ce parcours qui verra Daniel s'interroger et devenir un homme, Lumet se pose aussi en contestataire de la peine de mort, évoquant un cas où le doute est permis (renvoyant ainsi directement à 12 Hommes en Colère, mais c'est bien le drame qui passe au premier plan et c'est mieux ainsi. Devant la caméra, Timothy Hutton est remarquable en orphelin qui va voir sa vie bouleversée par les accusations et la mort de ses parents, et chercher à en comprendre les causes, tandis qu'il est très bien entouré, notamment par Lindsay Crouse et Ellen Barkin.
Oeuvre trop méconnue dans la carrière de Sidney Lumet, Daniel n'en reste pas moins très bouleversante et particulièrement attachante et intelligente, où le cinéaste revient sur une période sombre de l'histoire américaine à travers un destin brisé, et mettra en avant, avec mélancolie et puissance, la façon dont on peut se relever d'un drame personnel.