S'il est empreint de bons sentiments émouvants, quoique parfois faciles (on pense à ce beau final un peu niais), ce n'est pas pour cela que l'on retiendra The Danish Girl.
Si sa mise en scène, photographique, avec ses ambiances froides, ses décors subliles et ses riches costumes, avec aussi ses jeux de flous, d'angles larges, de lumières et de gros plans, et avec enfin la jolie partition d'Alexandre Desplat, est remarquable, et donnant à l'ensemble sa beauté, ce n'est toujours pas pour cela que l'on retiendra The Danish Girl.
Si l'on retiendra The Danish Girl c'est pour le traitement qui est réservé à l'histoire, osé, engagé, très réussi grâce à une originalité et une noirceur de ton. On est loin du film trop lisse et sage qu'une campagne marketing pouvait laisser supposer. Tom Hooper, avec ses talent de directeurs d'acteurs met en scène cette histoire et la transforme petit à petit en récit d'une aliénation, presque d'une schizophrénie, qui se fait alibi à un désir plus intime, plus profond. On est aussi loin du film criard et faussement engagé qui ferait souffler à tout moment son vent contestataire. Non, Tom Hooper fait même de son film un troublant et malsain jeu sexuel qui dérape petit à petit. Plaçant au coeur de son intrigue non, comme on pourrait le supposer, le personnage, double, qu'interprète avec délicatesse le totalement métamorphosé Eddie Redmayne, face auquel tient tête la délicieuse Alicia Vikander, toute aussi importante que le personnage principal et qui mérite son oscar pour ce rôle où elle est tout bonnement exceptionnelle, mais bien le couple.
On pense à Une Nouvelle Amie, dans l'aspect malsain de la métamorphose, dont *Tom Hoope*r ne censure pas les difficultés (une sexualité assez crue, le corps montré comme tel, mais toujours avec une certaine pudeur). Mais le film, comparé à son instar français, se fait vite plus mélancolique et grave dans sa seconde moitié, même un peu long vers la fin, sans que pour autant l'histoire en pâtisse. On reste passionné par le destin de ce jeune homme, précurseur d'un mouvement aujourd'hui toujours aussi décrié.
Heureusement le film évite à merveille l’écueil politique, le message revendicateur et le parallèle avec notre société actuelle, sans pour autant réduire à néant toute forme de message ; ainsi, c'est dans le générique, qu'avec la plus grande des malices, le réalisateur nous indique qu'Eddie Redmayne n'a pas interprété Einar Wegener, le peintre, mais bien Lili, la femme.