Sorti quelques semaines après l'excellent "La nuit a dévoré le monde" de Dominique Rocher (qui est d'ailleurs à l'origine de l'idée), j'attendais "Dans la brume" avec une certaine impatience. Les films de science-fiction français sont peu courants. On se souvient de quelques réussites avec le bel opus de Besson et "Le dernier combat" (bien longtemps avant "Le 5ème élément" et son "Valerian"), du troublant "Litan" de Mocky ou encore du post-apocalyptique "Malevil" de De Challonge. Moins heureux mais ayant le mérite de la tentative, "Chrysalis" de Julien Leclercq, "Immortel" de Enki Bilal, "Balylon AD de Kassovitz ou encore "Dante 01" de Marc Caro. Il y en a encore quelques-uns, voir l'excellente liste de @Camden https://www.senscritique.com/liste/Films_de_science_fiction_francais/28836#page-4/
Comme pour "La nuit a dévoré le monde", "Dans la brume" se place sur un niveau confidentiel. Peu d'effets spéciaux (la brume, émeute) mais réalistes et troublants, peu de décors, action en huis clos la plupart du temps. C'est sans doute cette humilité qui vient d'une part renforcer un sentiment de crédibilité, d'autre part provoquer une certaine anxiété constante chez le spectateur.
Moins axé sur le survival le film se veut plus dans l'action et se résume à comment fuir cette brume mortelle. Peu évident d'autant plus que le contexte est particulier, Fantine la fille d'Anna et Mathieu (tous trois survivants) souffre d'un syndrome d'immunodéficience et vit dans un caisson stérile. Réfugiés au dernier étage de l'immeuble chez Lucien et Colette, un couple de retraités, ils vont devoir trouver les moyens de s'échapper.
Daniel Roby est ingénieux. Il a su tirer profit du scénario où s'intercalent une série de situations au suspens tendu et de nombreuses césures narratives. Cela ne se justifie pas uniquement par le manque de budget avéré, mais bel et bien pour jouer sur la diversion émotionnelle et démontrer l'étendue de la catastrophe. Rien de bien spectaculaire au niveau des plans, ils sont pourtant plus qu'efficaces ainsi en plongée quand Mathieu monte sur le toit pour tenter d'en savoir plus, les incursions très "réelles" dans les rues voilées comme ténèbres, les courses poursuites nerveuses, ou encore les rencontres fortuites (notamment celle du policier)... La brume, qui s'associe à un véritable personnage est elle aussi l'un des attraits du film.
La direction d'acteurs est particulièrement soignée et respecte les codes du genre. Mathieu, campé par un Romain Duris inspiré, se révèle comme l'homme de la situation, ce qui ne semblait pas être le cas avant. Il maintient un espoir raisonné dans lequel il puise pour avancer, il est le "survival" type. Anna, surprenante Olga Kurylenko, est beaucoup plus défaitiste mais téméraire est l'héroïne. Michel Robin (quel plaisir de revoir cet immense acteur !) et Anna Gaylor représentent le monde perdu, mais aussi une part de sagesse et de tendresse, les maîtres du refuge. Fantine quant à elle, malgré sa cage de verre semble plutôt stoïque, le rôle a toute sa signification, il est pourtant le moins bien écrit.
On le voit, l'ensemble est cohérent et démontre bien tant au niveau comportementaliste ou psychologique comment l'humain, alors qu'il est sans doute à l'origine de la catastrophe naturelle (pollution) cherche à résister et prend conscience de la valeur de la vie. Bon, çà et là il y a matière à être dubitatif. J'y reviendrais...
Comme pour "La nuit a dévoré le monde", les contours sont relativement flous autour des protagonistes. Ils entrent dans l'action dès l'arrivée de la brume ou presque, dont on ne sait pas non plus l'origine. Ces zones inconnues renforcent l'angoisse et donnent libre au spectateur de suivre le film tel qu'il se présente et découvre en même temps qu'eux ce qui se passe. Une pression miroir s'installe, que ferai-je en pareille situation ? comment cela va se terminer ? Un certain nombre de dilemmes se posent également aux personnages, ce qui met une fois de plus le spectateur en situation inconfortable du questionnement. Ces techniques fonctionne à merveille.
Par contre, il faut reconnaître quelques maladresses évidentes. Ainsi, la chronologie peu marquée et confuse, ou encore la brume, dont le volume ne cesse d'augmenter ce qui n'est pas sans inquiéter Mathieu (selon la marque faite sur le mur, l'appartement aurait dû être touché en moins de 12h, hors ils passent encore une nuit et une journée sur place). Le quotidien, Mathieu amène un sac de vivres et autres objets d'en bas sans se soucier d'une éventuelle contamination. La combinaison NBC de l'accidenté inutile puisqu'il montre des symptômes de contamination hors Mathieu veut que sa fille l'utilise. Des coquilles comme celles-là, il y a en quelques unes. Bon je chipote un peu, il est vrai, puisque nous sommes dans un récit de science-fiction. La fin par contre me perturbe plus par sa naïveté. Toutefois elle reste cohérente avec l'ensemble du film et lui donne finalement au film une tonalité particulière de douceur qui manquait jusque là.
Globalement, "Dans la brume" est une réussite et démontre que sans budget excessif, il est possible de tenir en haleine un public avide de sensations. En espérant que le film soit mieux accueilli par le public que celui de Dominique Rocher...