En ces temps de lourde tyrannie de comédies françaises, celles qui ne se conçoivent pas sans un héros de BD à adapter, sans franchise à faire fructifier ou comédien au succès éphémère à mettre en avant, il est extraordinaire que Dans la Brume puisse voir le jour et se frayer un chemin. Pas étonnant, direz-vous, dans son Paris de post-apo au champ de vision troublé.
Alors même que le territoire national, pourtant fertile en la matière, ne semble plus être attiré par ce genre, trop coûteux, trop typé, trop ricain, pas assez fédérateur, l'initiative et les gens passionnés qui se cachent derrière sont cependant à saluer. Même si le film est parfois un peu maladroit ou imparfait.
Les moyens ne sont, à l'évidence, pas bien gros : assez peu de décors, spectaculaire en sourdine, action mesurée et nombre de personnages minimum en attestent. Mais de manière magique, Dans la Brume en ressort plus fort, plus ingénieux, plus intime. Comme un drame à hauteur d'homme. En recentrant ses enjeux sur une cellule familiale dessinée autour d'une véritable bulle, le film de Daniel Roby joue sur l'émotion, véritable et intense au regard de ce qu'il se joue derrière les fenêtres de cet appartement sous les toits envisagé comme un ultime refuge.
L'étendue du phénomène frôle le rêve, sur les toits d'un Paris insolite dans les images proposées, plongé la plupart du temps dans un silence opaque. Tout en restant dans l'ombre quant à sa cause première, sa nature et sa gravité. Le suspens qui en découle est palpable la tension quasi constante dans la volonté d'échapper à l'inéluctable et de préserver ceux qu'on aime.
Le cadre du drame est très évocateur et inédit dans les hauteurs qu'il prend pour dessiner l'aspect laiteux de cette menace immobile. Simples respirations éparses, tranquilles et ensoleillées pour replonger la tête la première, par la suite, dans des péripéties placées sous le signe du perpétuel mouvement.
Dans la Brume séduit et tient en haleine. Dans la Brume émeut aussi par ses personnages qui comprennent peu à peu qu'ils sont condamnés, tandis que le spectateur partage leur espace réduit, à tous les niveaux, et leur sensation d'étouffement. Cette émotion est aussi véhiculée par une transmission entre les générations, aboutissant à un curieux message mi écologiste, mi fataliste, sur la dégradation d'un monde donné à des enfants qui, finalement, y sont accoutumés.
Dans la Brume, aux yeux de certains, aurait nécessité un peu plus d'explications, une fin moins nébuleuse, ou souffrira de certains problèmes d'écriture parfois un brin pénalisants. Mais le film affirme une identité marquée, une absence de surenchère la plupart du temps salutaire, permettant de soigner ses personnages et de leur donner une vie et des sentiments propres. Dans la Brume impose aussi une ambiance mortifère et silencieuse des plus réussies, redonnant un semblant d'espoir à un genre fantastique qui resurgit, en France, tels les spasmes épars d'un comateux.
De quoi le faire sortir de sa bulle ?
Et pourquoi pas ?
Behind_the_Mask, en pleine crise d'apnée juvénile.