On ne pourra pas retirer au film sa sincérité, son engagement, son concept ou son interprétation : voilà un film français de genre, tourné en français, à Paris, abordant des thèmes osés, parfois classiques (la parentalité, le don de soi, la survie) parfois plus "dans l'air du temps" comme la préservation de l'environnement. L'air de rien, sans en avoir l'air, Dans la brume décrit une petite Apocalypse en ne conservant que le point de vue d'une poignée d'individus cherchant à survivre et à se préserver les uns les autres : deux parents, leur fille contrainte par un syndrome à vivre dans une "bulle" et un couple de retraités chez lequel ils trouvent refuge lorsque cette étrange brume toxique se déverse dans les rues de la capitale. Un peu comme dans la Guerre des mondes de Spielberg (avec d'ailleurs des points de vue similaires) ou World invasion : Los Angeles, le spectateur ne voit le cataclysme que par le gros bout de la lorgnette, cantonné aux pérégrinations du couple désireux de préserver à tout prix la vie de leur enfant malade. Ce qui pourrait être présenté comme un préquelle à Delicatessen de Caro & Jeunet se cantonne à rester collé aux basques de ce père entreprenant et indécrottable optimiste et de cette jeune mère rationnelle et constamment inquiète, perdue comme tout un chacun lorsque votre système de valeur s'effondre et que vos repères vous fuient.
La mise en place est progressive mais relativement rapide et les informations sur l'événement parviennent au compte-gouttes, aussi frustrante pour nous que pour les survivants qui ne savent pas ce qui se passe, ni pourquoi, ni surtout comment s'en sortir. La partie survie, qui intervient ensuite, est plus maladroite dans son processus, l'on a parfois du mal à comprendre les réactions et initiatives des protagonistes qui nous surprennent parfois par leur ingéniosité, parfois par leur manque de clairvoyance - mais, après tout, comment aurions-nous VRAIMENT fait si nous étions prisonniers d'un phénomène de grande ampleur nous coupant du reste du monde et nous empêchant de savoir quand nous pourrions être secourus ? Alors les événements s'enchaînent, avec un côté lancinant ou malhabile rehaussé par une bande originale d'une étonnante discrétion qui renforce le caractère (cal)feutré, cloisonné de cette prison à ciel ouvert qu'est devenue la Ville-lumière. Nul sensationnalisme dans ces actes désespérés de sauvetage : la réalisation, en dehors de certains passages saisissants de beauté spectrale (les plans généraux sur des quartiers noyés sous cette brume intraterrestre, magnifiés par une photographie d'une redoutable précision), préfère prendre nos héros en filature, les cadrer serré sans effet de style outrecuidant. On tient là l'antithèse d'un San Andreas : Duris n'a rien d'un surhomme (il ne retient pas sa respiration pendant trois heures, ne soulève pas de voiture pour dégager un blessé, ne guérit pas instantanément de ses brûlures et n'affronte pas les animaux féroces à mains nues) et paie naturellement de sa personne. La manière dont le métrage s'achève en frustrera sans doute plus d'un, ceux qui s'attendaient à davantage, ou autre chose, et ceux qui ont forcément vu venir le gentil petit twist - assez difficile à interpréter autrement que cyniquement. Colère divine, revanche de la Nature ou acte de malveillance ? Peu importe : le script s'attelle à traduire en image le destin de personnages unis par des liens puissants et qui se préoccupent avant tout du sort des autres. Rassurant, en quelque sorte.