Plusieurs aspects sont assez fascinants chez Tsui Hark, que ce soit son côté totalement fou dans l'expérimentation, qu'elle soit visuelle ou narrative, son talent pour passer habilement d'un genre à un autre au sein d'un même film, proposant à chaque fois des sensations différentes ou encore son investissement dans le cinéma de Hong Kong depuis ses débuts à la fin des années 1970.
Après avoir mis en scène en 1994 le brillant The Lovers, il en reprend le couple principal composé de Nicky Wu et Charlie Young pour tourner dans la foulée Dans la nuit des temps où l'histoire d'amour sera cette fois-ci teintée de fantastique. Il propose un mélange habile des genres, où il va mêler aux deux thèmes cités un côté humoristique, et il montre un vrai savoir-faire dans chacun de ces aspects.
On est chez Tsui Hark, donc rien ne paraît normal et tout sort des sentiers battus, et il propose là une oeuvre folle, un spectacle unique où il nous invite à la fois à un voyage dans le temps, mais aussi dans son univers. Il ne laisse jamais indifférent, c'est ce que j'admire chez ce cinéaste, il te fait vivre son cinéma et il n'hésite pas à aller jusqu'au bout de ses idées, et il en a d'ailleurs beaucoup ici, toujours farfelues, souvent bonnes, à l'image de l'hallucinante séquence où nos deux héros vont se retrouver dans deux mondes parallèles.
Son cinéma est généreux et pas toujours le plus facile d'accès, ce qui laisse parfois des traces sur ses œuvres, et ici on pourrait bien reprocher quelques failles, à l'image de certains effets numériques de mauvais goût, et même d'une émotion qui est loin d'être transcendante, ce qui n'est pas vraiment le but cherché. Pourtant, rien y fait, ça ne me dérange pas chez Tsui Hark, car ces failles ne représentent que de minuscules gouttes dans un océan, elles ne sont rien face à sa créativité, sa vision du cinéma et même sa folie, tant dans l'écriture que la mise en image.
Si quelques effets spéciaux sont un peu douteux, l'image est pourtant très jolie, sublimée par une belle photographie signée Peter Pau. Il y mélange les couleurs, magnifiant un univers assez festif et original, à l'aide aussi de sa caméra virevoltante, tandis qu'il nous entraîne dans un lot de folles péripéties, le tout sur un rythme assez élevé, où il ne nous laisse pas le loisir de nous reposer un peu l'esprit.
Si on ne se retrouve pas bouleversé par le destin du couple qu'il met en scène, il arrive quand même à en tirer une ambiance d'un charme fou, tour à tour romantique, humoristique et fraîche, où nos deux amoureux n'hésiteront pas non plus à se chamailler, donnant lieu à quelques séquences drôles. Ils en deviennent même attachants, alors qu'entre quelques coups de folie, Tsui Hark jette sur eux un regard finalement assez tendre, avec une histoire d'amour simple, mais belle. Ils sont tous deux remarquablement interprétés, avec une parfaite alchimie dans le duo, et surtout une charmante et inoubliable Charlie Young, sublimant son rôle à chaque apparition.
S'il n'atteint pas la maestria qui l'a conduit à tourner d'immenses œuvres, Tsui Hark propose une mise en scène folle, sublimée par une parfaite bande-originale, où il alterne les genres avec fluidité tout en sachant faire preuve d'efficacité, mais aussi d'un talent certain pour ne pas rendre ridicule ce qui le serait avec bien d'autres réalisateurs, à l'image des méthodes du voyage dans le temps. Riche en diverses sensations, Dans la nuit des temps allie avec brio richesse narrative et picturale où, tel un peintre du cinéma, Tsui Hark stimule l'imagination du spectateur pour mieux lui permettre de profiter du voyage.
Dans la nuit des temps est une oeuvre à la fois riche et folle, où Tsui Hark fait preuve d'une immense créativité pour alterner les genres et les sensations, s'appuyant sur deux remarquables comédiens pour proposer un voyage romantique, fou et beau, que ce soit par son couple principal, ses nombreuses bonnes idées ou encore l'esthétisme du film.