Décidément, Guillaume Nicloux est l’un des réalisateurs français les plus prolifiques du moment. Après deux films sortis en 2023 (La Tour et La Petite), c’est en Guadeloupe que Nicloux et son équipe posent leurs valises pour cette comédie pétillante et sans prétention.
Dans la peau de Blanche Houellebecq est un film atypique. D’abord parce que sur le papier, son point de départ laisse perplexe : Michel Houellebecq est invité en Guadeloupe pour assister à un concours présidé par Blanche Gardin – jusqu’ici tout va bien -, mais le concours consiste à évaluer des fans se déguisant en sosies de Houellebecq.
Atypique également dans la forme du film, qui semble tourné « à l’arrache », au camescope et en équipe réduite. Procédé déroutant au premier abord, et puis on s’y fait.
Sans parler de film expérimental, Guillaume Nicloux expérimente avec Blanche Houellebecq de nouvelles manières de filmer. C’est d’ailleurs l’un des principaux intérêts du film.
D’abord en tournant le long métrage dans l’ordre chronologique (ce qui est une exception dans la fabrication « normale » d’un long métrage), permettant ainsi d’exploiter tous les petits imprévus et pas de côté de ses acteurs pour les inclure au scénario.
Ensuite en faisant appel à de nombreux non-professionnels pour les seconds rôles du film. J’ai souvent horreur de ce procédé, censé donner un cachet « vrai » au film, mais je dois bien avouer que cela ne m’a pas du tout gêné ici.
Enfin en laissant une liberté presque totale à ses acteurs et en facilitant les moments d’improvisation. Le film fourmille ainsi de petites réflexions dites à demi-mot, de petits gestes désinvoltes et d’échanges lunaires entre Blanche et Michel.
Dans Blanche Houellebecq, tous les acteurs jouent leur propre rôle. Les caméos en début de film de Françoise Lebrun (vous savez, Veronika la jeune infirmière dans La maman et la putain de Jean Eustache, ou bien dernièrement la tante Denise dans Le Livre des solutions de Michel Gondry, ou encore la mère dans le Vortex de Gaspar Noé), de Gaspar Noé justement, et de Jean-Pascal Zadi plantent d’emblée le décor comique. Mention spéciale d’ailleurs à Zadi pour la justification guignolesque du récent rabotage de ses dents !
Le scandale Houellebecq, qui a éclaté à quelques semaines du début du tournage (alors que l’écrivain est dans la shortlist du Prix Nobel de littérature, Houellebecq fait polémique lors d’un entretien avec Michel Onfray pour la revue Front Populaire en tenant des propos racistes envers les musulmans, basculant ainsi de coqueluche littéraire nobélisable à paria national) est adroitement évoqué et inclus au scénario.
Houellebecq paraît ici plus sénile que jamais. Au comique de sa façon de se tenir, s'ajouter ainsi un certain apitoiement de la part du spectateur.
Tout le contraire de Blanche Gardin, rayonnante et très incisive dans ses touches humoristiques. Il faut dire que l’actrice multiplie depuis peu ses apparitions au cinéma, pour notre plus grand plaisir.
La Guadeloupe, bien que présentée de manière absurdo-caricaturale, n’est pas en reste. Guillaume Nicloux évoque son film comme le troisième volet d’un triptyque sur les retombées du colonialisme, après l’excellent Les Confins du monde (présenté à la Quinzaine de Cannes, l’un des meilleurs rôles à mon sens de Gaspard Ulliel), et le récent La Tour.
Dans la peau de Blanche Houellebecq est loin d’être un film parfait, mais il apporte une vraie pastille rafraichissante, un grand bazar organisé (un peu à la Kervern et Delépine), une dose d’absurdité piquante et bienvenue.