Christophe Honoré est ce qu'on appelle un auteur total dans le cinéma français. Un réalisateur qui fait table rase des conventions narratives pour proposer des œuvres radicales, très insaisissables. "Dans Paris" ne fait pas exception. On suit le "parcours" de Paul, en couple puis séparé, qui fait face suite à sa séparation à une dépression. Le film passe de scènes classiques à des scènes plus imagées, plus figurées. Comme cette scène magnifique de chant entre Paul et son ex via téléphone interposés. Magnifique, belle, touchante, sincère, cette scène mérite à elle seule de supporter l'heure et quart précédant celle-ci.
Je parle bien supporter, car Honoré se perd dans des circonvolutions exagérées, qui prend l'énorme risque de totalement perdre son spectateur. Le montage de son film dans le premier quart d'heure parait à ce titre totalement anarchique, mais Honoré n'applique au final qu'un adage de cinéma: allier forme et fond. Si le montage est anarchique, cela s'explique par l'anarchie affective que subit Paul et sa compagne. Cette anarchie disparait dès lors que l'on se retrouve à Paris, chez le père de Paul où il s'est réfugié pour subir sa dépression. Dès lors, le film se pose, prend des longueurs indéfinies. Le montage devient à ce sens dépressif quand il suit Paul, mais devient plus enjoué et anarchique quand il suit le parcours de son frère, de quartier en quartier, de rendez-vous en rendez-vous.
Fascinant en œuvre totale, Honoré n'arrive pourtant pas à retenir l'attention. Il perd son fil conducteur, n'arrive pas à cerner son propos si il y en a un, n'arrive pas à faire ressortir des moments (à part la scène du téléphone citée plus haut). Il fait suivre à son film un parcours tellement difficile à cerner que l'on en perd l'envie de suivre les péripéties ou les non-péripéties de ses personnages. On devient dépressif avec Paul, mais on ne vit pas intensément avec Jonathan (le frère de Paul). C'est une expérience émotionnelle bâtarde auquel nous convie Christophe Honoré, mais c'est sa marque de fabrique. On est bien face à un film d'Honoré.