Ce n’est pas inhabituel pour les Islandais de descendre de leur île pour fraterniser avec leurs frères d’outre-mer froide, mais quand Dagur Kári revient de Nói Albinói pour donner dans le danois, il exporte étrangement un parfum de Sigur Rós. C’est d’ailleurs Slowblow, duo dont le réalisateur fait partie, qui s’occupe de la musique (si bien que j’irai jeter un coup d’oreille), et l’histoire est coupée en onze chapitres séparés par un fondu au noir et un grésillement vinyle : bref, un film composé comme un album.
La double alliance de l’atmosphérisme se munit d’un solide noir et blanc, de quoi rappeler que tout n’est pas sonore : les jeux d’exposition n’ont plus alors qu’à enrober la personnalité de l’œuvre qui pointe par endroits. Ces endroits, avant d’en venir à la métaphore musicale, je les appelais des ”notes” dans ma tête : décidément, Kári est synesthète, et il sait s’y prendre pour laisser percer l’absurdité, la société, la frustration dans Dark Horse, de la mutique contrainte administrative à la poésie d’un voyage en Espagne décidé sur un coup de tête.
Ce qui est surprenant, c’est surtout la totale liberté des personnages, qui semblent abandonnés à une Islande métaphorique, la grande île déserte d’une société qui permet tout, où l’on s’ennuie mais où la chance rentre dans les habitudes et où le crime est carrément difficile à concevoir.
On peut reprocher à Kári de ne pas assez se laisser prendre à ses propres idées : il semble rêver en platitudes, pourtant son film reste un songe dont il est compliqué de se défaire l’esprit. La lourdeur occasionnelle, portée surtout par Nicolas Bro (sans mauvais jeu de mots sur son enbompoint), ce sont autant de vagues déchirures que des bouffées d’oxygène, la remontée à la surface après une longue apnée dans l’utopie scandinave, mieux que jamais septième-artifiée.
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