Comme à peu près tout le monde à la vue de la bande-annonce, je m'attendais en allant voir Dark Shadows à une comédie festive et enjouée, un produit lisse et mécanique avec les petites touches Tim de circonstances (oh, un fantôme, ouh, une forêt brumeuse de nuit, aaah, un freak comme personnage principal). Bref j'attendais le Burton de l'année. J'ai eu à la place un film étrange et totalement schizophrène.

Ca commence comme du (très) mauvais Burton, avec une scène d'intro bancale, poussive, montée très maladroitement. Ca continue avec un (joli) générique tristounet sur fond de Moody Blues qui ne dépareillerait pas dans un drame indépendant. Et alors qu'on s'attend à voir débuter la comédie sur un rythme effréné, as usual, Burton fait tout le contraire. C'est lent (mais pas trop chiant), posé, riches de dialogues d'exposition où l'on essaie tant bien que mal de faire exister les personnages. Et si le film n'y arrive jamais vraiment, on ne peut pas dire qu'il ne prenne pas son temps, tranquillement, sans se presser.

Dark Shadows est comme ça tout du long : un film bancal, dansant sur deux pieds comme pour mieux désarçonner son public, s'attardant sur un personnage puis l'autre, sans jamais aller au bout, tout dévoué qu'il est par au dieu Johnny Depp, toujours aussi cabotin et aussi à l'aise dans les films de son grand copain. D'un côté la comédie, avec son pitch propice aux décalages absurdes et ses vannes plutôt bien senties. De l'autre un film plus sérieux - je risquerais même le mot "adulte" - limite dépressif (les scènes de Maggie à l'hôpital), sans qu'il n'ait pourtant aucun enjeu ni aucun message, puisque tout ça est quand même assez vain et assez vide. Boum, le combat final avec la vilaine sorcière, je t'aime moi non plus, ah ouais.

Dark Shadows est un objet un peu curieux, qui hésite constamment entre bouffonnerie un peu grasse et moments inspirés (toute la séquence sur le très bon Ballad of Dwight Fry d'Alice Cooper), entre platitude totale et scènes burtonniennes pur jus - sans qu'il ne renouvelle une seule seconde son vocabulaire. Une histoire d'amour romantique et gothique comme on en a vu des milliers et comme Burton sait si bien les faire, dont l'un des deux protagonistes est pourtant quasi absent des trois quart du film. Un pop corn movie indolent qui ose les twists lycanthropiques complètement débiles et injustifiés, pour le fun, ou presque.

La réalisation navigue elle aussi entre les moments vaguement inspirés et la platitude totale, avec ses plans plats, moches, totalement quelconques. On est dans l'adaptation d'une série télé après tout, et les inserts sur la mer qui frappe le rivage, comme des transitions ringardes entre deux séquences en studio, sont là pour nous le rappeler.

Tout, du rythme indolent du film au score étrange et synthétique de Danny Elfman, sans parler des choix musicaux 70's un peu moins clichés qu'on aurait pu le craindre, sens l'oeuvre bâtarde, déséquilibrée, instable, imparfaite. Ce qui la rend évidemment beaucoup plus sympathique que le simple produit à 150 millions de dollars de budget qu'il est.

Burton sait-il exactement ce qu'il fait, ou tout ça est-il le résultat d'un tournage bordélique et de sneak previews assassines qui auront exigé plus de LOLs là où il s'attachait (une fois encore) à ses freaks ? Lui seul le sait...
Prodigy
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Vus en salle et Les meilleurs films de Tim Burton

Créée

le 19 mai 2012

Critique lue 690 fois

10 j'aime

Prodigy

Écrit par

Critique lue 690 fois

10

D'autres avis sur Dark Shadows

Dark Shadows
HugoShapiro
3

Vodka Shadows

Je suis un peu malhonnête voyez vous. J'ai mis 3 a Dark Shadows sans grande conviction. Même sans aucune. Car sincèrement, je ne saurai juger 2h de film ou je n'ai passé mon temps qu'à répéter...

le 9 mai 2012

110 j'aime

22

Dark Shadows
Amethyste
6

Ode à un sombre prince et à son merveilleux univers hanté. [Opus 5]

Monsieur Burton, c'est avec beaucoup d'espoir mais aussi avec beaucoup d'appréhension que je suis allée voir votre dernière création. L'espoir d'un certain retour aux sources, la création d'un...

le 14 mai 2012

83 j'aime

24

Dark Shadows
Jackal
7

Tim Burton's 70's Show

XVIIIème siècle. Barnabas Collins est à la tête de sa famille de riches poissonniers venus d'Angleterre (fondateurs de la ville de Collinsport), il est admiré de tous et la dirige pour le mieux...

le 10 mai 2012

67 j'aime

14

Du même critique

Stranger Things
Prodigy
5

I've seen better things

Et pourtant, elle avait tout pour me plaire, cette série, avec sa gueule d'hommage ambulant au cinéma des années 80, de la typo du titre (typique) à l'ambiance groupe de gamins post...

le 18 juil. 2016

184 j'aime

17

Le Prestige
Prodigy
8

Critique de Le Prestige par Prodigy

Un de ces films pour lequel on se dit "mouibofmouais" avant d'enfourner la galette dans son lecteur glouton, et qui met une gentille petite gifle d'autant plus résonnante qu'on ne s'y attendait pas...

le 12 juin 2010

174 j'aime

13

Prometheus
Prodigy
4

Critique de Prometheus par Prodigy

Bon, faisons court, mais bref. Passons sur la déception de ne pas voir un "vrai" Alien mais un film aux liens très ténus. Soit. Passons sur la joie de voir un film de SF "adulte", en tout cas qui...

le 3 juin 2012

169 j'aime

11