Mark Ruffalo toque à la porte de Todd Haynes avec un sujet aussi fascinant qu’inquiétant : la pollution chimique dissimulée au cœur de tous nos foyers. Dark Waters a le mérite de traiter un sujet assez peu relayé par les médias, bien que l’enquête et les procès durent depuis 20 ans, et qu’il révèle un problème sanitaire mondial.


Le film suit le parcours de l’avocat tenace Rob Billot, et vulgarise l’approche juridique de l’affaire, dans la complexe machine judiciaire américaine. Le film tient donc plus de l’exposé technique et scientifique que du thriller ou du drame. Malgré de qualités indéniables, citons par exemple le jeu de Mark Ruffalo et de Tim Robbins, le film de Todd Haynes rebrasse tous les poncifs du genre et manque cruellement de personnalité.


La photographie est volontairement terne et blafarde quel que soit le cadre (même pour la scène de Noël), avec un sorte de grain je suppose pour accentuer l’aspect d’authenticité. Mais le manque d'opposition chromatique, de contraste, réduit également la force de certaines séquences. Les plans de caméra, hormis ceux vu dans la bande-annonce, sont assez quelconque et neutralisent parfois la tension d’une scène par leur maladresse.


Les personnages, bien qu’inspirés de vraies personnes (certaines jouent même dans le film), sont également très classiques dans leur construction. On retrouve la mise en avant des familles catholiques bien normée à l’américaine, familles qui bien sûr vont subir la croisade de la figure paternelle — aussi bien l’avocat que ses clients. Pour un film qui traite de l’empoisonnement de milliers de personnes, on voit beaucoup plus la famille de l’avocat que ces 70 000 victimes, ce qui en un sens, les rend moins importantes, moins visibles.


Où est passé le réalisateur de Mildred Pierce et Carol, qui avait su à la fois traiter de sujets dramatiques tout en leur insufflant une certaine grâce, de la subtilité ? Dark Waters, tel son nom, suit son cours sagement, sans faux pas, sans fantaisie. Si Todd Haynes ne fait pas de faux pas, il n’insuffle rien non plus à ce biopic, qui au lieu de faire des remous et des cascades, se finit en delta tranquille (allez, j’arrête avec la métaphore sur l’eau).


C’est dommage car le sujet est pourtant fort. Après tout le film se termine sur une note très sombre, rappelant que même si Rob Billot a obtenu réparation pour Parkersburg, il n’y a toujours à l’échelle nationale comme mondiale aucune régulation d’environ 600 produits industriels et chimiques. Mark Ruffalo/Rob Bilott donne même la réponse : les gouvernements ne nous protégeront pas, seuls nous nous protégerons. Reste à espérer que si ce film tombe dans l’oubli, les questionnements qu’il soulèvent perdureront.

AlicePerron1
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le 1 mars 2020

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Alice Perron

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