Cinéaste culte de la trilogie Evil Dead, Sam Raimi souhaitait porter à l'écran le comics The Shadow, mais il n'obtient pas les droits, et le film sera finalement réalisé sans trop de génie en 1994 par Russell Mulcahy ; ce qu'aurait pu en faire Raimi laisse pensif, mais pas découragé, il décide d'inventer son propre super-héros avec ce personnage de savant défiguré par des gangsters. Pour Raimi, Darkman est une version choc, hi-tech et plus musclée du Fantôme de l'Opéra, car le héros partage avec son modèle plusieurs éléments, notamment une tenue presque identique et un ton tragique.
A travers l'histoire de ce savant défiguré et mutilé, Sam Raimi renoue avec de grands thèmes du ciné fantastique : le monstre et la belle, l'amour impossible, la vengeance du laissé pour mort, les pouvoirs invincibles de l'individu transformé par sa déchéance physique...
Le film est sorti en 1990, dans une période où les gros studios commençaient à s'intéresser aux super-héros, et de ce fait, à cause de son budget modeste, il n'eut pas le succès escompté. Mais, ça reste un film intéressant malgré des défauts, car loin du visuel artistique de Dick Tracy ou des surenchères baroques de Batman, Raimi ressuscite l'esprit des séries B en jouant à la fois sur le romantisme et l'horreur, rend un hommage aux classiques sans chercher à les plagier, et apporte un souffle nouveau à grand renfort de cadrages acrobatiques. Liam Neeson n'avait pas encore l'aura qu'il a aujourd'hui, mais il fait le job avec conviction, sans oublier le sinistre gangster Robert Durant incarné par Larry Drake, l'une des plus sales gueules de bad guy de l'époque. Un film angoissant et désespéré, qui pêche un peu par son manque de rythme.